L’atypique collection du Docteur Faure, qui compose aujourd’hui la plupart des œuvres de la collection permanente du Musée Faure d’Aix-les-Bains, témoigne d’une époque et du glorieux passé de la ville.
Un collectionneur, une collection.
Il fut un temps où Aix-les-Bains était capitale de villégiature pour les grands de ce monde. Princes, industriels et riches héritiers se retrouvaient pour profiter des thermes et du cadre splendide des montagnes savoyardes. Le docteur Jean Faure (1862-1942), pharmacien mondain des salons parisiens comme aixois, s’associe entre 1925 et 1942 avec un certain André Schoeller, marchand et expert d’art, pour constituer ce qui deviendra une éclectique – mais cohérente au regard du recul que l’on peut avoir sur l’histoire de l’art – collection traversant plus d’un siècle de romantisme et impressionnisme. C’est ainsi que nous pouvons retrouver aujourd’hui entre les murs de l’ancienne « villa des Chimères », légués à la ville par Monsieur Faure, des artistes tels que Foujita, Boucher, Carpeaux, Cézanne, Pissarro, Degas, Bonnard… et bien d’autres encore.
Rodin.
Il y a cependant un artiste, dont il fut contemporain quelques années – que Faure admirait par dessus tout pour son audace – son impertinence et son influence sur l’art du XXe siècle. Ce sculpteur admiré est Auguste Rodin. Il ira jusqu’à rassembler trente-quatre sculptures en plus d’aquarelles et lithographies. Le docteur ne se trompa pas dans la cohérence dramaturgique de sa collection de Rodin. Nous pouvons y voir aujourd’hui diverses figures présentent sur « l’œuvre d’une vie » qu’est La Porte de l’Enfer, des études de mains, si chères à Rodin, mais également une œuvre qui pourrait être qualifiée de révolutionnaire engageant l’avènement de l’art moderne : L’Homme qui marche.
L’homme qui marche.
Elle influencera certains des plus grands artistes du XXe siècle tel qu’Alberto Giacometti (un temps élève de Bourdelle, lui-même élève de Rodin). L’histoire de cette sculpture est révélatrice de l’œuvre du maître de Meudon et de l’Hôtel Biron, présentée pour la première fois en 1900 lors de l’exposition universelle de Paris au pavillon de l’Alma, au milieu d’autres sculptures de Rodin et de tableaux de son ami Claude Monet. Assemblage de l’Étude du torse de Saint Jean Baptiste et de jambes, on peut lire dans L’Homme qui marche l’obsession pour l’artiste de l’étude du mouvement. Comment donner vie à la matière froide du bronze ? Rodin y répond en se dispensant de ce qu’il considère comme inutile à cette action de la marche, l’homme n’a ni tête, ni bras. En réalité, le mouvement étudié est en décalage avec la réalité. En effet, si l’on observe bien, les deux pieds sont à terre, or, dans la marche, si l’on engage le pied droit en avant, le gauche se lève naturellement. Ce détail, qui n’en est pas un, déséquilibre le naturalisme du mouvement étudié et offre à l’allure de cet homme, muscles des jambes tendus, torse musclé très dessiné, une sensation de puissance qui annihile toute inertie. Il transparaît également la forte influence sur Rodin de l’art antique et des illustres artistes de la renaissance italienne – il était admiratif de Michel Ange et Raphaël depuis son premier voyage en Italie en 1875. Le buste de l’homme en question est également révélateur de la façon dont Rodin travaillait, modeleur, assembleur, bâtisseur. Cette étude de buste, en plâtre à l’origine, est datée des années 1870, elle a été laissée dans un coin d’atelier pendant plusieurs années avant d’être retrouvée, abîmée par le temps, écorchée par les aléas de l’humidité et de la poussière. C’est dans cet état d’effritement que Rodin décidera de garder ce buste, de lui coller deux jambes et de créer ce qui compte aujourd’hui comme un de ses plus illustres travaux. L’Homme qui marche est une des œuvres à découvrir au Musée Faure d’Aix-les-Bains qui possède la deuxième collection publique de Rodin en France.
Image à la Une © Carnet d’Art.