Le corps des femmes comme champs de bataille.
Entre théâtre et danse, chant et musique, Dorothée Munyaneza met en scène Unwanted, la première proposition dans le cadre du focus Afrique subsaharienne au Festival d’Avignon. Cette pièce hybride s’empare avec brio et justesse d’un sujet très dur qu’est le viol des femmes comme arme de guerre.
Originaire du Rwanda, Dorothée Munyaneza est une rescapée du génocide qui fit 800 000 morts, en majorité tutsis, en 1994. Alors âgée de 12 ans, elle quitte le pays pour s’installer en Angleterre, emportant avec elle les blessures et horreurs d’une guerre indicible. Pourtant, en partant de l’expérience intime, Dorothée Munyaneza témoigne de ce qu’elle-même et de ce que toutes les survivantes ont vécu. Sa parole va encore plus loin et peut être qualifiée d’universelle car ce sont toutes les femmes, à travers toutes les époques et tous les conflits qui se retrouvent le temps de cette forme performative dont on ne ressort pas indemne.
Sur le plateau on découvre deux œuvres réalisées par le plasticien et photographe Bruce Clark. La femme est représentée sur une structure en tôle ondulée, l’une est debout, l’autre, que l’on devine, est à terre. Cette femme debout est plurielle, elle change et évolue au fil de la représentation dans une mue qui est mise en abyme par une création lumière millimétrée. À ses pieds, sont inscrits ces mots : « no apology ».
En effet, aucune excuse possible pour l’Histoire quand Dorothée Munyaneza prend la parole pour dire ce que sont les atrocités de la guerre. En mêlant les témoignages recueillis et enregistrés auprès de femmes rwandaises et la voix de l’artiste, la parole devient multiple. Ici, c’est cette femme violée qui a fui vers le Congo avec sa petite sœur. Tombée enceinte d’un des ses bourreaux, elle ne sait pas comment accepter cet enfant et est partagée entre amour et haine. Là, c’est une autre femme qui raconte comment les plus âgées tentaient de soigner les plus jeunes en lavant leurs corps martyrisés. « Ils savaient ce qu’ils rangeaient en nous » dit une autre.
Ces récits explosent à la face du monde pour que jamais ils ne sombrent dans l’oubli. Ils explosent également sur le plateau qui se transforme en un espace de résonnance habité par les larmes, les cris et les douleurs. Cet espace précipite les échos avec d’une part le mixage en direct des sons par Alain Mahé et d’autre part avec Holland Andrews – une jeune chanteuse Afro-Américaine qui sublime cette création par sa voix tant rauque que lyrique.
En s’adressant au monde, Dorothée Munyaneza prend en charge les maux des femmes à qui la liberté, la dignité, la féminité ou l’humanité ne peuvent être totalement ôtées et qui trouvent la force de pardonner mais surtout de vivre avant tout.
Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.
Tous des oiseaux | Carnet d'Art
[…] d’enfance, s’exiler de son pays en guerre – et celle-ci fuir un génocide – montre, dans Unwanted, ce souci conjoint de la narration et de la présence, qui la conduit à des propositions […]