« Blue Nudes », 28 mai – 27 juin, De Re Gallery, Los Angeles.
Pour Brian Bowen Smith la femme devient le ferment de diverses apparitions. Il en suggère le brasier sans que des cendres ne tombent. Juste le feu dans un crépitement froid. Chaque prise se veut la saisie d’un moment exceptionnel pour mieux perdre le regardeur en amont de toute parole. Afin de subjuguer la femme glisse parfois ses mains dans le couloir de ses cuisses : douves douces, envols des ferries libèrent l’ordre des incantations païennes. Le corps s’étire au-delà du simple strip-tease. Le photographe devient le poète d’épaules éblouissantes venues du presque neige. La Vénus de Botticelli n’est pas loin et Fra Angelico en attente. Au besoin le corps est presque « pornographié » : mais le presque est important.
Reste une succession de chutes et remontées, l’extase du corps plutôt que performance photographique. Même si celle-ci n’est pas négligeable : elle participe du fait originel, rompt l’inertie cotonneuse. Par l’image de corps se crée une approche de la transcendance car la poésie optique prend soudain quelque chose de sacré qui interdit de faire n’importe quoi. Le photographe américain dépasse la raison en proposant le reflet miroitant de l’essentiel plutôt que celui du cœur des choses. Elles ont ici des reflets nacrés qui libèrent des myriades de soies, elles ont l’insolence de l’eau vive. Et comme dans le Cantique des Cantiques « le soleil brûle » celui qui contemple la femme. A son image il est non de cendre mais de chair blanche et noire ou en couleurs. La magie de la photographie est ouverture vers un ailleurs. Elle transporte, comble, détruit. Ne nous soustrayons pas aux sortilèges. La modèle devient Eurydice et le photographe Orphée dans lumineuse perfusion qui transforme un matin en un pas vers le jardin d’Eden.