Entre équilibre et émotion, le travail de l’artiste peintre est en constante évolution et se laisse porter par le ricochet de son propre raisonnement.
Quelle place donnez-vous au regard ?
Une de mes premières séries, Mothers, cherchait à captiver l’attention par les visages et par le biais des regards. Ce que me renvoient les personnes sur mon travail me permet de prendre du recul ; on me parle de personnages iconiques, frontaux, d’évocation de la Renaissance. C’est sans doute cela qui me permet d’aller chercher l’âme de mes personnages. Un jour, j’ai dessiné un personnage aux yeux fermés, et comme j’ai tendance à laisser venir les choses, je me suis laissé porter parce ce qui se passait sur la toile pour ensuite en tirer le fil et construire une nouvelle série. Il y a beaucoup d’interrogations qui arrivent dans ce genre de tournant.
L’émotion est-elle primordiale ?
Je compose des personnages en accentuant tel ou tel aspect, les yeux ou le nez, avec des visages ou des corps disproportionnés. C’est sans doute ce qui participe à la lecture libre que j’ai du monde et de l’Homme. Je mets l’accent sur les jambes, par exemple, et les transformations s’opèrent en cherchant à aller plus loin, vers des choses que je ne connais pas, qui me surprennent moi-même. Les sujets abordés et la technique utilisée offrent une telle infinité de possibilités que c’est inépuisable, j’explore des pistes en permanence.
Dans certaines de vos toiles, n’y a-t-il pas une forme de violence ?
Je laisse le travail reposer assez longtemps avant de savoir si l’émotion que je recherche est vraiment présente. Dans la série La ronde des chiens fous, on peut effectivement avoir ce ressenti. Le chien, assez central, accompagne l’humain. L’interprétation est ouverte et sujette à discussion. Je fais des toiles pour moi avant tout, c’est sans doute le côté solitaire de l’atelier. Souvent, on dévoile des choses très intimes et les interprétations sont très différentes de l’idée initiale. L’exigence consiste à trouver le juste équilibre entre des choses très sereines, très douces, et d’autres qui viennent déranger cette tranquillité tout en gardant un équilibre.
C’est pareil pour les couleurs, je vois le rouge comme de la chaleur. Ensuite il faut trouver l’équilibre entre les tons froids et chauds, l’alchimie entre le sujet, la couleur et la composition. Si tous ces ingrédients sont bien structurés par rapport à mes critères, même inconscients, on arrive à une écriture constante du travail mais avec des histoires qui varient d’une série à une autre. Le travail évolue donc de manière naturelle.
Êtes-vous à la recherche du tableau parfait ?
Je travaille constamment un tableau, je le laisse reposer et je reviens à lui longtemps après. Cela m’aide à aller plus loin et à être toujours plus exigeante. Je cherche en quelque sorte à construire une œuvre constituée de toiles fortes. Je suis peut-être comme un sportif de haut niveau, cherchant à dépasser ce que je connais de moi-même, à me surpasser. Je dois prendre des décisions réfléchies quand je peins. Dans la vie, j’ai besoin de prendre le temps ; pour un tableau, c’est pareil. Les choses n’apparaissent pas comme évidentes quand on n’a pas de recul. Il faut déceler ce qui fait qu’un tableau n’a pas trouvé son équilibre du premier coup. Il y a plusieurs étapes à passer pour trouver cet équilibre et l’émotion. Je vis avec les tableaux, écartés de mon atelier, je les redécouvre à chaque fois que je passe devant, pour savoir si l’émotion est là et si je suis satisfaite de ce qui se passe entre le tableau et moi. Il me faut le temps de digérer.
De plus en plus, dans l’évolution de mon travail, le trait est récurrent. Peut-être parce que je présente aussi des dessins sur papier. Au fil du temps, cela vient nourrir mes tableaux et le trait de construction peut rester dans la version finale peinte sur toile.
SylC est représentée par la Galerie Au-delà des Apparences d’Annecy.
Image à la Une : SylC – Présence III, Technique mixte sur toile, 130 x 97 cm.