Si on partait du principe que notre identité n’est pas ce à quoi nous ressemblons mais ce que nous sommes. Si on partait du principe que les choix que nous faisons chaque jour sont plus importants qu’une nationalité, une couleur de peau ou une orientation sexuelle. Si on fermait les yeux pour mieux se voir ?
Je suis humaine de naissance. Ne me regardez pas comme ça, je ne l’ai pas choisi, vous êtes marrants vous ! Humaine ou petit oiseau d’Amérique centrale… ce qui est sûr c’est que j’y aurais réfléchi à deux fois si on m’avait laissé le choix. Je ne sais pas ce que j’aurais finalement décidé, ce n’est pas si simple, il aurait fallu faire un tableau des plus et des moins. Mais la question ne s’est pas posée. Adieu donc, immensités tropicales, je ne comprendrai jamais le langage du quetzal resplendissant… En tout cas pas dans cette vie. Dans cette vie, j’ai un prénom (non, deux même !), un nom de famille, une date de naissance, un arbre généalogique, une nationalité, un numéro de carte d’identité, un numéro de carte de sécurité sociale et encore tout un tas de numéros que je ne connais pas mais qui sont rien qu’à moi, il paraît. La chance. J’ai un sexe aussi, une couleur d’yeux, de cheveux, de peau, un grain de beauté juste là, un corps qui est comme il est et un cerveau. Vous allez me dire : « Oui bon, tout le monde en a un ! » et je suis tout à fait d’accord (même si dans certains cas, admettez qu’on est vraiment en droit de se questionner). Bref, ce que je voulais dire, c’est que ce cerveau est à la fois unique et universel. Ce que je veux dire, c’est qu’on est tous pareils parce qu’on en a un, mais tous différents, je crois, par l’utilisation qu’on en fait. C’est là que ça se passe, il me semble.
Qui suis-je ? Quelle est mon identité ? Et d’abord qu’est-ce que ça veut dire ? Certains éléments de réponse se trouvent peut-être dans ces énumérations, mais ce serait bien réducteur de s’en contenter pour savoir qui on est. Moi, pour définir un concept difficile, j’ai une technique secrète de dingue : je commence par réfléchir à ce qu’il n’est pas. C’est comme pour choisir ma filière au lycée, j’y suis allée par élimination plutôt que par choix. Oui, ce n’est pas fou comme début dans la vie mais on fait ce qu’on peut. Et puis ce n’est pas le sujet, alors arrêtez de m’égarer ! Je disais donc… Mon identité, ce n’est pas une page sur un réseau social, ce ne sont pas non plus les avis, plus sûrs les uns que les autres, qu’on a sur moi. Ce n’est pas des notes qu’on me donne, une courbe sur laquelle on me place, le nom d’une maladie qui m’aurait choisie, un corps, une case à remplir, un numéro. Mon identité ne se résume pas à une classe ni à une catégorie de la population définie par des gens dans une certaine société à un moment donné. Oh que non. Mon identité à moi c’est un lever de soleil sur la mer, une pluie d’étoiles filantes un soir d’été, une mélodie, des émotions qui font chavirer le cœur. Mon identité c’est ma compassion, un sourire donné, un service rendu, une oreille attentive aux personnes et au monde ; c’est qui je choisis d’être chaque jour, pas ce que m’impose la vie ou la société. Mon identité, c’est des valeurs solides qui avancent main dans la main avec le monde qui bouge et surtout, c’est impossible de la définir précisément.
Je sais bien que nous, les humains, pour mieux comprendre le monde plein d’énigmes dans lequel nous vivons, depuis toujours nous classons, catégorisons, enfermons… Ranger un peu pour essayer d’y voir plus clair, pourquoi pas. Mais nous cloisonner volontairement, nous et notre liberté d’être pour « simplifier » les choses et tenter de leur donner une identité et une définition parfaite, alors ça, permettez-moi de vous dire le fond de ma pensée, c’est con. Pourquoi on n’accepterait pas plutôt que le monde est multiple, complexe et parfois sans réponse, sans définition ? Pourquoi on ne déciderait pas maintenant qu’on peut avancer plus librement sans schémas ni idées préconçues ? Si les valeurs, petites lumières sur le chemin, sont les bonnes et qu’elles sont solides, alors on ne peut pas se perdre, on peut même se permettre d’inventer des couleurs en route ! Par contre, si l’égoïsme et la peur s’imbriquent dans un vieux squelette de traditions immuables, alors la lumière s’éteindra, le chant des oiseaux s’envolera pour toujours et nous n’aurons plus qu’à admettre que nous nous sommes trompés. Mais ce sera trop tard.
L’Homme a tellement peur de l’inconnu et de l’Autre qu’il en arrive à se priver de ses libertés et à priver l’Autre des siennes. J’aimerais qu’identité puisse rimer avec acceptation et respect plutôt qu’avec jugement. La route paraît mal éclairée ces temps-ci mais j’aimerais qu’on puisse enfin comprendre que notre identité se définit par les choix que nous faisons à chaque minute de chaque jour qui passe. Et c’est une merveilleuse nouvelle car demain est un nouveau jour…
Photographie © Rim Laredj.