Ni fleurs ni couronnes.
Pascal Baetens, « Instant de mort », texte de Klara Verlinde, Chez Higgins, Montreuil.
Pascal Baetens glorifie souvent la nudité de manière orphique et glorieuse. Néanmoins une de ses séries casse ce parcours ; « Instant de mort ». Le titre est trompeur car le corps est bien vivant mais il se nourrit de l’ombre. Privé de lit il traîne comme un ver dans un local vide et sordide. Les perspectives grisâtres des plans et des mouvements de spleen force la femme à se tordre et plus ou moins se cacher. N’en demeure que le spectre. En « off » il se peut que rôde un bourreau. À moins que le modèle devenue héautontimorouménos (bourreau d’elle-même) confisque la place du regardeur et met en abyme le voyeurisme en une auto-ironie amère et grave.
Chaque égérie se venge des miroirs. Elle ne cherche plus à le monter sur la roue pour un autre supplice et son corps vibre à l’image. Même s’il semble parfois la matière presque informe d’une immense insomnie. Chaque œuvre est à ce titre un cérémonial délétère, mystérieux, fascinant. Le corps est là et il échappe. Il est difficile parfois de ne pas penser – bien sûr et comme le titre de la série l’indique – à la mort. Pourtant Eros prend de voluptueuses poses. Craintive dans sa cage la panthère ose l’improbable parce qu’elle pressent en l’autre l’abominable abîme qu’elle doit toujours combler.
À ce point l’art est sacrificiel. Il est aussi sacré. L’érotisme n’a rien des plaisanteries des gravures japonaises. Du désert volcanique à la dépouille de la chair tout bascule sous une lumière indécise. De telles cérémonies secrètes rappellent celles de Patrice Chéreau, mais la femme nue ne sera plus une Reine Margot. Devant elle l’homme ne parade plus en habit d’officiant. Reste un théâtre masochiste où le modèle ne pâtit plus de l’interdit mais en s’en imposant de plus terribles. Néanmoins jumelles de la nuit, l’image retrouve ses couleurs et la femme reste louve.