L’ivresse des émotions brutes de l’humanité.
L’espace d’exposition de la Région Rhône-Alpes, le Plateau, accueille pour cet automne/ hiver 2014 – 2015 une nouvelle exposition, les Premiers déclics de Marc Riboud entre 1942 et 1960, une des périodes de sa vie où il a accumulé le plus de clichés.
Enfant, Marc Riboud s’est vu offrir par son père le vieux Kodak Vest Pocket qu’il avait lui-même utilisé dans les tranchées. C’est avec cet appareil que Marc Riboud s’essaya à ses premiers clichés, avant de travailler au Leica.
Premiers déclics retrace les quinze premières années de ce grand photographe. Dans cette exposition, il s’agit de sortir des sentiers battus, de proposer à l’observateur des photos dont les négatifs n’existent plus ou d’autres qui n’ont jamais été montrées telles des pépites inédites choisies en accords avec le photographe – des archives, conservées précieusement dans le bureau de Marc Riboud.
Le parcours proposé se veut chronologique retraçant des pans de vie, mais libre à soi de se frayer son propre chemin tant la scénographie minutieusement réfléchie vous happe.
# 1. Premiers déclics.
Les premières photographies de Marc Riboud sont rares à avoir survécues au temps. Dans ce premier pan, nous sommes interpellés par cette vue du Rhône prise depuis sa fenêtre à Lyon en 1942 ou encore par quelques images des Alpes, où il se rendait souvent.
À l’époque, Marc Riboud n’est pas encore photographe, il cherche ses sujets, il construit son regard, mais déjà on remarque les premiers éléments de son vocabulaire : la force de la géométrie, l’importance de la composition et l’attention sincère portée à l’humain.
# 2. À la recherche des lignes et des formes.
En arrivant à Paris, il photographie des multitudes de scène de rue, attiré par le quotidien de la vie ou par des visages. La géométrie fondatrice qui va le suivre dans tout son travail se révèle.
Zazou, le peintre funambule à la grâce aérienne semblant tellement léger face aux lignes des imposantes poutrelles métalliques de la tour Eiffel, fera l’objet de sa première publication dans Marie-Claire et dans Life. Ce sera aussi son sésame pour intégrer l’agence Magnum en 1953, où son mentor sera Henri Cartier-Bresson.
# 3. La Yougoslavie.
Après être rentré à l’agence Magnum, le premier voyage à l’étranger de Marc Riboud fut la Yougoslavie. On peut sentir l’influence de Cartier-Bresson dans la construction des images, comme celle du plongeon, choisi comme visuel de cette exposition. Ce plongeur reflète d’un certain côté la libération de Marc Riboud, le plongeon dans une autre vie.
Lors de ce voyage, il recherche des cadrages appliqués, des scènes de vie pittoresques, et des visages… une étude inlassable comme cette photographie de femmes avec des visages de face, de profil ou de trois-quarts, qui rappelle les peintures italiennes.
# 4. La France et l’Angleterre
Entre 1953 et 1954, Marc Riboud fait des petits sujets pour l’agence Magnum, des choses parfois très anecdotiques. Il lui arrive très régulièrement de suivre des anonymes pendant des jours, se plaçant à la bonne distance, rentrant ainsi dans leur intimité pour les comprendre peu à peu et révéler leur singularité.
La scénographie met en correspondance les regards reflétant son profond intéressement à l’humain. Il n’y a que très peu de photographies sans sujets dans l’œuvre de Marc Riboud.
Son travail est très attachant, avec une ironie légère. Il aime retourner à certains endroits comme à Leeds, où il retrouve des gens photographiés ou rencontrés des dizaines d’années plus tôt. Quelques-unes de ces images font penser à celles que réalisera Martin Parr, vingt ans après.
Voyant cette photographie d’ouvriers en grève en Angleterre, il nous semble que chacun d’entre eux nous regarde avec ferveur.
# 5. Contacts.
Une pose dans les images en se posant quelques instants devant un film réalisé par Arte (extrait disponible ici) où Marc Riboud lui-même explique comment il choisit ses tirages sur les planches.
N’ayant toujours travaillé qu’en Argentique, on apprend que le père d’un de ses tireurs actuels travaillait déjà pour lui – une histoire de famille, de fidélité et de passionnés.
# 6. Vers l’Orient.
En 1955, Marc Riboud entame son grand voyage. Il photographie Istanbul, vivante et bruyante ; Ankara, avec ses chantiers de construction lui offrant lignes et cercles avec lesquels il joue.
Puis, il se dirige vers l’Est, à son rythme, traversant les étranges paysages de Cappadoce, et ses cheminées de fée.
Il arrive en Iran, s’attardant à Téhéran et rend en Afghanistan où il sera accompagné par une de ses sœurs. À la frontière avec le Pakistan, Marc Riboud s’attarde entre autres, dans les fabriques d’armes. Quelle dureté du regard de ce garçon au pistolet, dont Marc Riboud se demanda longtemps si ce jeune avait porté une arme, et dans quel combat.
Au fur et à mesure de son voyage, les rouleaux de négatif sont envoyés à Magnum. Henri Cartier-Bresson donnera sans cesse des conseils, compliments, critiques et tuyaux à Marc Riboud en entretenant une correspondance.
Arrivé en Inde, il y passera un an, notamment à Calcutta. Il assista au couronnement du Roi du Népal, un de ses rares sujets d’actualité sur commande et en couleur. Plus que les images publiées dans les médias de l’époque, c’est un à-côté que l’on retient, celle de cet immeuble aux dix-huit fenêtres, comme dix-huit photographies en une.
# 6.1. De l’Inde à la Chine.
Dans un pays pratiquement fermé aux étrangers en 1957, Marc Riboud obtient un visa – précieux sésame qui lui permettra d’entrer en Chine.
Il est accompagné par un ange-gardien qui ne le quitte pas mais qu’il parvient des fois à semer. Marc Riboud se laisse guider par les hommes et femmes qu’il rencontre, par des figures.
# 6.2. Le Japon.
Après trois mois passé en Chine, le contraste est grand avec ce Japon d’après-guerre.
Entre tradition et modernité, avec quelques notes francophones, Marc Riboud regarde surtout les femmes, gaies, riantes ou pensives, qui feront l’objet de son premier livre Women of Japan.
# 7. L’Alaska.
Rentré précipitamment du Japon au chevet de sa mère malade, Marc Riboud repart quelques mois plus tard en Amérique.
Les photographies présentées dans un cercle font écho à une bulle, une parenthèse dans la vie de Marc Riboud. Le blanc omniprésent semble amener Marc Riboud à une certaine abstraction épurée comme cette route noire fendant la neige.
# 8. L’Europe et Moscou.
En Europe, Marc Riboud s’intéresse au monde industrielles, ces usines, comme le chantier de construction du paquebot France aux échelles démesurées face aux ouvriers.
Le reportage à Moscou marque la fin des dix premières années du photographe. Les séries sont appliquées, toujours avec des légendes très détaillées afin de pouvoir construire une histoire dans un deuxième temps.
Une exposition à voir et à revoir du 03 octobre 2014 au 21 février 2015 au siège de la Région Rhône-Alpes, dans l’espace d’exposition, le Plateau.
Entrée libre du lundi au vendredi 10-18h et le samedi 10h-19h.