Partir au chevet de mes rêves d’enfants.
Les entendre agonir une dernière fois
En les serrant bien fort, avant trépas.
Puis voir la vie me convoquer
Dans son costume de notaire,
Me livrer ses volontés testamentaires.
Elle aurait pu m’offrir perles et colliers d’or,
Rayons d’amour et de miel pour ultime trésor.
Mais la vie sait être sobre quand elle enfile
Son costume de cérémonie.
Elle m’a déposé, sans papier ni ruban,
Une lettre et une boite pour testament.
La carte disait « Sers t’en »
Et dans la boite, un cœur battant.
J’ai donc reçu de ces rêves morts
Un cœur adulte pour héritage.
Les cœurs d’enfants viennent et vont,
Battent au rythme des passions éphémères.
Les jeunes cœurs pleurent autant qu’ils n’espèrent,
Savent avant d’avoir vu, l’artère fière.
Mon cœur d’homme est, lui, moins puissant,
Doute à chaque battement.
Se rêve, sans révoltes,
De n’être rien de plus
Qu’un être souple et aimant.
Se rêve un jour perché dans de sages hauteurs
À éclairer les précipices de ses lueurs.
Mais les lampes et la raison s’éteignent :
Des champignons, sur la radio, s’activent,
Déversent leurs spores sur les ondes
Ou les attendent, humides, des cœurs creux
Prêt à accueillir leurs graines venimeuses.
Ça sent la moisissure dans ces forêts de carapaces,
Ou fermentent et se décomposent
Critiques immédiates et autres mycoses.
Seuls résistent les cœurs sensibles et murs
Qui dansent au rythme singulier de la Bonté.
Et nous, serons-nous prêts à nous joindre à cette ronde,
Loin de la moisissure et des ombres ?
Laissons les chanter, nos palpitants adultes,
Qu’ils battent un nouveau jour,
À froisser l’aube de leur amour,
Tambours résistants
Prêts à guider
Les forêts de jeunes cœurs
Loin des champignons froids et ignorants.
Image à la Une © Jacques Pion.