Tout ce qui reste.
Anders Petersen, « Valparaiso », Éditions André Frère, Roquevaire, 2015.
Sans fleurs ni couronnes Anders Petersen ouvre son objectif vers les perdants et les freaks. Dans ce livre il s’agit de ceux d’un bout du monde : Valparaiso. Leurs rêves sont au tombeau mais les silhouettes refusent de tomber au fond de l’abîme. Bref elles manient leur propre trique pour faire avancer l’âne en elle. Restent des formes de résistance dont le photographe déboîte l’ombre par la lumière. Les louves ne sont plus ce qu’elles étaient. Mais les furent-elles un jour ? Leur vie est au point mort, c’est tout juste si elle peut suivre son cours. Les ogres sont fatigués même lorsqu’ils mêlent leur langue à celle d’une comparse. Un fil relie soudain l’avant à l’aujourd’hui. Mais qu’importent les vagues habits de gloire et les décolletés : il n’est plus question d’espérer des pays de cocagne.
Restent là une mouette mazoutée, là un goéland pervers. Parfois un rien de dentelle contre un cœur qui bat. Vénus écrase un avorton : tel un élu il monte sur un piédestal même si son corps bat de l’aile. L’amour se voudrait de la variété de fleur qui guérit de tout. Ses pétales ont des cheveux bruns ou blonds. Mais ils se fanent. Le diable a perdu ses dents, ses oreilles – acérées jadis comme des langues – font tristes figures. Néanmoins les photographies sont magiques : elles illuminent le désastre existentiel. A chaque jour suffit sa peine, il arrive qu’une âme nue, plutôt que d’y glisser, surgisse d’un caniveau.