Eros Limite : Le passage.
Franchir la frontière, changer de corps, de lieu, de temps : voici ce qui touche à notre plaisir, à notre jouissance et, en conséquence, à nos possibilités d’angoisse puisque nos certitudes se voient interpellées par cette traversée.
Toute chair n’est pas la même chair. Mais la chair des êtres chers n’est pas autre. Elle a l’éclat du soleil, de la lune, des étoiles. Et qu’importe si l’étoile diffère en éclat d’une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible : il ressuscite incorruptible. Il est semé méprisable, il ressuscite glorieux. Entré dans le monde physique il devient esprit, témoin du temps et de l’irréductible altérité.
Mais par dessus tout l’image devient le désir de l’autre, l’aveu du manque. Le regard est en ce sens objet de perdition, la lumière un crime, le masque une tentation. D’une de ses mains Anne De Gelas tend le miroir, de l’autre le fait trembler. C’est l’annonce du silence dont nul corps porte la preuve tant qu’il demeure vivant. Il s’agit aussi de faire de l’homme son hôte en une quête de ce double avide d’on ne sait quelle présence commune. S’y abandonne la proie pour l’ange.
C’est le spectre d’un autre qui n’est plus. C’est un moment de la rivière de la photographie comme ce fut un moment de la peinture lorsque pour la première fois un peintre florentin dessina un reflet avant d’être emporté dans le courant. L’image absorbe le miroir, le fend comme un oiseau fend l’air.
Parutions d’Anne De Gelas : L’Amoureuse – Éditions Le Caillou Bleu, Amnesia – Éditions Bruno Robbe, Carnets – Éditions Le Caillou Bleu.