Apostilles pour la tête ou les seins d’abeilles.
Les Princesses de Claudine Loquen sont de naïves traîtresses. Sous leur feinte de candeur le voyeur est pris en un leurre poétique et doux. L’artiste embaume le corps de ses petites fées au mirage des ressemblances qu’elle invente. Elle glisse des indices comme au fond d’un jeu de piste. Chaque portrait devient l’icône dont l’aura reste indélébile. Qu’importe alors si le temps passe : l’œuvre le tient même si la proximité pour atteindre de telles silhouettes demeure infranchissable. Elles sont là, elles sont loin. Les peintures comme le léopard ne se déplacent pas sans leurs taches. Ce sont des iles d’où peuvent reprendre des romans ratés. Parfois « brodées » les toiles se quittent plus.
La nuit Claudine Loquen lutte avec les monstres qui la charcutent, mais le matin l’en délivre : elle les transforme en Princesses après avoir préparé un café. Chaque peinture devient une histoire avec une succession de détails et des bijoux ravis. L’œuvre largue les amarres loin de la glu des quotidiens. Les Princesses mêlent les temps, les règnes et les galaxies. Parfois la créatrice ferme les yeux pour devenir voyante puis en peignant elle donne accès à l’infiniment lointain. Privé d’autres contacts, renvoyé à la peinture le regardeur est soumis à une instance flottante. Il ne se demande même plus comment pourrait en sortir indemne sa tête malade. Mais cela est jubilatoire comme le jaillissement d’eaux lustrales. Elles tapissent son regard d’une intimité parfois cocasse dont il n’a pas la clé. Et c’est là tout le charme d’une œuvre unique dans l’espace artistique contemporain.