Tout ce qui mute.
Dominique Dou, « Sentinelle, poème précédé des Carnets« , Préface de Bernard Stiegler, L’or des fous éditeur, 104 p., 18€.
Dominique Dou est une rebelle : elle ne se laisse pas faire même par ce qui cheville une part majeure de l’existence : la poésie. Celle-ci n’est pas un problème de style mais de « mutation » – mot clé de la jeune créatrice. Il ne lui suffit pas de dire platement « non » au nom d’une histoire personnelle mais d’engager la langue dans le jus de l’Histoire comme Jean-Pierre Faye (un de ses préfaciers) l’a compris. L’identité dans le fiction du poème ne peut se courber sous la platitude de l’autofiction. Dominique Dou a mieux à faire pour permettre non seulement au discours mais à la poésie de se poursuivre. Comme Dante elle avance de fragments en fragments, de cercles en cercles afin de fracturer les logos imposés aux communs des mortels.
Elle ose ses avancées « libre de penser que la poésie n’est ni pure ni engagée ni dégagée mais qu’elle pense – et panse aussi – elle se doit d’être les deux ». Dans ce but la poétesse fait table rase des faiseurs mais garde une attention à certains repères : Hölderlin, Ingebor Bachmann, Paul Celan et Proust le plus grand des poètes. Sans oublier, dans sa libre circulation de Dominique Dou, le « Journal de Gide ». Elle y a trouvé une caution à ses propres « carnets » qu’elle remplit depuis l’âge de 15 ans. Ils sont – et c’est le cas avec « Sentinelle » – les prolégomènes à ses textes majeurs où elle parle l’Histoire avec douceur et colère. Elle parie en Pascalienne sur le sacré du verbe sans croire. Et ce dans un long travail de transbordement du langage. Il devient la ligne droite dont le biais est la richesse. Il permet à la poétesse de donner l’essentiel qu’elle résume ainsi : « tout / souvenir brûle le moi qui cherche / ne trouvera – / pas de limite » avant de rappeler que ce qui compte n’est pas d’avoir le dernier mot mais le premier et d’ajouter « écoute qui m’écoute ». La porte est ouverte.