Sans Blurb.
« Détartre et désinfecte », Éditions Fata Morgana, 136 pages, 21€, 2017.
Fata Morgana continue la publication des bonnes feuilles d’Éric Chevillard et c’est toujours un plaisir de retrouver le réalisme époustouflant de celui qui ridiculise l’époque de ses frasques stylistiques. Se voulant l’irrespectueux responsable, le farceur conséquent il tire sa chaise de dessous nos fesses pour les botter en touche. Accompagné de notre séant qui a soudain besoin d’onguent c’est pourtant le cerveau qui se met en surchauffe. Dès lors un tel livre n’a pas besoin de « blurb » : à savoir cette brève phrase ou slogan figurant sur la couverture ou le bandeau d’un livre pour le promouvoir. Mais cela est vrai pour tous les livres de Fata Morgana. Ils trônent sur leur siège sans nécessité de jupe affriolante.
Chevillard poursuit sa fanfare improbable par acupuncture cervicale pour nous plier en trois sur la « patiente, incroyablement patiente » qui n’a rien d’érotique sauf à grimper sur elle. Ce qui n’est pas sans risque. Empaillée ou non elle reste l’objet de tous les dangers. Mais elle n’est pas la seule à nous tendre des pièges. Et le langage de l’auteur non seulement les entérine il ajoute des couches à son feuilleté. Chez lui, ceux que l’on considèrent comme des « outlaws » sont reconsidérés voire réhabilités. Sont-ils nos semblables, nos frères ? Chevillard ne s’en préoccupe pas : il a mieux à faire que de s’engager dans des présupposés plus ou moins humanistes. À chaque texte son plaisir, ses avanies, ses bassesses nerveuses. Tout est bon afin que les équilibres instables créent de véritables danses du scalpel : le lecteur ne sa fait pas pour autant un sang d’encre. La fantaisie verbale ouvre les plaies du monde : la béance devient sourire.
Image à la Une © Éditions Fata Morgana.