Contre le penchant funeste de l’expression.
BEAU-LIVRE « Plein air » par Antoine Emaz avec des œuvres originales de Magali Latil aux Éditions Unes, 16 pages en feuilles, imprimé en typographie sur Vélin d’Arches (édition limitée à 33 exemplaires numérotés).
Magali Latil crée une peinture à peine cristallisée sur la toile, une peinture qui semble se décaler, fuir, se dérober plus qu’elle n’enrobe. Surnage ce qui « ne colle plus » ou mal dans un décrochement visuel.
La seule peinture digne de porter ce nom se doit de se ressourcer toujours à l’espace du blanc, à l’immaculé de la toile presque vierge. La configuration picturale ne se détourne pas ou peu de la fonction « neutre » du support. Le blanc devient le fondement de la peinture, il en forme la ponctuation exaspérée dans des espaces non mordancés où à cause de leur neutralité quelques lignes se concentrent non pour une expansion du monde mais pour sa rétraction appelée par Beckett lorsqu’il écrivait : « la tendance artistique n’est pas expansive mais une contraction ».
Se soumettant à cette incoercible absence de rapports entre la nature et l’art, Magali Latil représente au mieux l’artiste « idéal » qui écarte l’exercice de la peinture de toute tendance réaliste au sein d’une matière ostensiblement absente. La créatrice ne cherche plus l’hallucination mais l’accession à une littéralité qui permet -de toucher en des lieux inconnus de l’être. Le trait tente de dominer la matrice, telles des flèches transperçant le corps d’un martyr devenu invisible, mais la matrice cherche à résorber le trait.
Image à la Une © Éditions Unes, Magali Latil.