Pointes et rondeurs abrasives de l’abstraction.
Soo Kyoung Lee et Florendo Nanni, « Abstractions » à l’Espace Martiningo de Chambéry du 17 septembre au 16 octobre 2016.
La puissance de l’abstraction extrait la peinture d’une multitude d’informations et du fouillis visuel. Elle conduit Soo Kyoung Lee comme Florendo Nanni vers ce puits sans fond juste au-dessus de la nappe de gaz carbonique des images apprises et admises. Chez la première se fait ressentir l’image première du féminin : les formes rondes ou oblongues restent le schéma directeur des diverses séries de l’artiste. Chez Florendo Nanni l’effet de plan ou de « carte » demeure plus marqué.
Dans les deux cas la re-présentation se substitue à la représentation. Aussi métaphysiques en leur dimension spectrale que physiques par leur matière les deux œuvres saisissent par la sérénité qui s’en dégage. Elles jaillissent du poids de l’histoire sans ignorer la charge du temps qui a conduit les deux artistes où ils parviennent aujourd’hui.
Mais les deux abstracteurs présentés par Frédérique Martiningo sont aussi deux peintres « paléolithiques » : ils sortent les images premières de leur grotte en un passage de l’obscur à la lumière et l’abstraction ne traite plus le monde comme un symptôme. Elle ne propose pas un simple “lifting” des images antérieures mais provoque leurs transformations et surtout une autre circulation du regard en évacuants des artefacts picturaux.
Formes (chez Soo Kyoung Lee), pans (chez (Florendo Nanni) et couleurs mettent à jour un fonctionnement de la peinture qui touche des régions secrètes essentielles. Abstraire ne se limite donc pas à partir du monde pour en garder des éléments significatifs. C’est la mise hors-jeu du monde pour faire face à ce que nous sommes dans notre moi intime à travers la matière même de la peinture.
Image à la Une : Soo Kyoung Lee – Ker 7, acrylique sur toile, 92 x 73 cm.