Une œuvre essentielle.
Le texte de Jean Paul Curnier, écrit il y a une dizaine d’années, est fondé sur un pessimisme à donner envie de s’ouvrir les veines. Le pire est sans doute qu’il est d’avantage d’actualité aujourd’hui qu’au début des années 2000.
Ce qui est capital dans ce nouvel objet proposé par Bédard est sans aucun doute cette parole cruelle qui nous renvoie à notre propre bêtise, à notre propre non-pensée. Il est presque dérangeant pour le spectateur qui en prend pour son grade. En témoigne les sorties avant l’heure de certains et les timides applaudissements. On salue le travail musical, le courage de présenter un texte comme celui-ci, on ne remercie pas forcément la mise en scène, plutôt petite et faisant appel à beaucoup de « gadgets » pour tenter de se sortir de sa pauvreté. Le découpage du texte est très abrupt et rend les enchaînements et le jeu des acteurs difficiles.
Nous sommes en présence de deux figures, l’une désespérée, fatiguée, à bout de souffle et l’autre pétillante de joie et d’énergie. L’opposition est plaisante à voir. Le sur-jeu du début du spectacle, dû au laborieux travail dramaturgique qui donne une matière froide et sans concession aux deux femmes, se transforme petit à petit vers une virtuosité déconcertante. Cette chanteuse et cette actrice tirent leurs épingles du jeu en réussissant à naviguer dans les eaux troubles d’un Bédard qui a décidemment voulu leur mettre des bâtons dans les roues.
Effectivement, nous pouvons presque avoir l’impression que le metteur en scène joue contre ces acteurs. Les écrans qui entourent l’espace scénique ne servent à rien, ils auraient pu être utilisés pour la traduction des chansons en anglais… il n’en est rien. L’humiliation infligée à une spectatrice invitée sur le plateau à être présente pendant que la chanteuse lui fait la morale sans s’adresser à elle est la confirmation que cette mode qui commence à tendre vers le has been est à manier avec excellence ou à bannir. La musique rock qui était / est très subversive accompagne bien les propos, la construction est facile est efficace.
Pour conclure, nous sortons de ce spectacle avec l’idée dérangeante que nous ne sommes nous aussi responsables de la décadence de cette société et avec l’envie de lire cet auteur certainement indispensable à la pensée contemporaine…
C’est tout mais c’est déjà pas mal et c’est sans doute le principal.