Erwin Olaf, « Waiting », Galerie Rabouan-Moussion, 11 rue Pastourelle, Paris 3ème, 17 octobre – 28 novembre 2015.
Le Hollandais Erwin Olaf (1959) a commencé sa carrière dans le photojournalisme, la photo de studio puis dans la publicité. Il y a trouvé un style voire un langage reconnu dès le début du millénaire. La scénographie est toujours léchée, précise jusque dans les moindres détails comme chez Gérard Rancinan ou David La Chapelle. Souvent dans ses grandes mises en scène revenaient le thème de l’enfance. Il est remplacé peu à peu par celui de l’amour ou ce qui en tient lieu. Le sentiment n’a rien ici de joyeux, insouciant ou glorieux. Il est pétri d’angoisse et d’attente. L’amour semble un perfide tyran dont les protagonistes ignorent les tenants et les aboutissants. Pour preuve : les visages sont muets et – paradoxalement – en absence d’émotion. Une certaine démence ne semble jamais bien loin même si les femmes ressemblent (parfois) à des égéries de contes de fée parfois néoréalistes, parfois baroques.
Si Erwin Olaf cultive encore parfois les scènes grotesques et orgiaques il n’est jamais meilleur que lorsqu’il « sculpte » visages et corps masculins et féminins. Leur nudité a priori des plus érotiques est caviardée par l’impression de malaise et de douleur retenue. Certes la beauté des corps méduse : le travail du numérique peaufine la perfection des visages toujours aussi graves qu’insondables. Néanmoins l’artiste ne cherche pas à « psychologiser » ses portraits. En émerge un vide à la fois extatique et subi. Dès lors l’univers semble immatériel ; le réel devient irréel sans pour autant plonger dans l’onirisme. Nous pénétrons dans des chambres interdites où les être ne peuvent plus bouger comme dans les cauchemars où l’angoisse empêche d’accomplir un seul pas. Mais ici les rêveuses (ou rêveurs) sont insomniaques. Coupables d’un crime dont elles ignorent tout elles jaillissent en une part de lumière qui échappe à la nuit.