Apparemment pour ses photos de nus Berquet choisit des femmes « classiques » dans leur beauté. On pourrait donc penser qu’il prend les mêmes et que tout recommence, en postulant que l’éros – depuis le premier film pornographique de l’histoire du cinéma teinté de bleu comme pour en atténuer la charge – ne cessait de se reproduire à l’identique. Or il n’en est rien : Berquet d’une certaine manière met à nu le concept du nu à travers modèles et objets fétiches.
Il ne cherche pas à faire des trucs bizarres en se répétant « Art must be beautiful ». Il le crée en travaillant comme femme de chambre dans un hôtel venue pour photographier les traces de passage de clientes ou les surprendre dans leur plus simple appareil. Mais pour autant il n’existe pas la répétition du même. Berquet est à l’Eros ce que les Ramones sont aux Voix Bulgares. Mais l’impeccabilité des prises fait penser à du Mozart visuel propre à déstabiliser les psychiatres cognitivo-comportementalistes.
Le photographe met la pédale douce aux effets, trucs et astuces qui essayent de sauver les meubles (si l’on peut dire) de la sexualité. Son œuvre est un peu l’hymen de Sophie Calle et Chris Burden qui seraient tombés amoureux l’un de l’autre. Mais au lieu d’injecter de l’art dans le quotidien, il transforme le second en le premier. Au chaotique et au choquant Berquet préfère renouveler l’expérience érotique selon des dispositifs très précis. Une femme glisse sur le sol, des talons hauts s’érigent mais loin du mode « performance ». Le potentiel des images est ici proportionnel à la capacité de discernement de l’artiste. Sa grande idée sur le rêve, c’est dès qu’il y a rêve il y a danger. Le rêve des êtres est toujours celui d’engloutir l’image. Berquet renverse la proposition : l’image devient la terrible dévorante, non par son âme, mais par ses songes. Méfions-nous de telles images.