Le fromage et les vers.
Livre de poésie, « Les mythes de la mémoire » par Louis Savary aux Éditions Les Presses Littéraires, 102 pages, 15€.
La poésie par son l’investigation donne au langage un statut de dignité scientifique. Savary le sait. Comme il sait que l’expérience d’un tel genre est un exercice où l’imagination n’éloigne pas de la réalité : elle permet d’y accéder. Par son encodage de la vie elle devient opératoire entre les choses menacées et les choses prédatrices qui nous guettent. La mémoire en fait partie surtout lorsqu’elle disparaît et que ne fibrille dans la tête « que l’écho d’un cri à l’infini du silence ». Si bien que la messe est presque dite. Non seulement et comme tout au long de la vie, la mémoire est fragile et sélective (sans qu’on soit sûr de ses choix) mais il arrive que, pour ne pas paraître idiot, de nos frasques anciennes il faut feindre de se souvenir.
En dépit de ses pense-bêtes l’animal humain ne peut éviter ses trous de mémoire. Mais pour se rassurer il, faut se dire qu’il s’agit là de soulagements pour les autres… Louis Savary fait donc œuvre de salubrité publique en nous mettant face aux mots qui s’effacent et au temps qui nous largue. Sa pratique de l’enquête poétique illustre le peu que nous devenons. Notre passé n’étant fait que de ses creux, la poésie devient nécessaire pour déployer notre appauvrissement mental. Jadis et naguère deviennent des zones d’indétermination entre faits et fictions. L’oubli semble donc la position la plus sûre. Pour nous rassurer nous nous appuierons mollement sur la phrase du « Fromage et les Vers de Carlo Ginzburg « l’histoire se fonde sur des possibles imaginés et sur des hypothèses ». Alors, tel des poissons rouges encore verts, tournons allègrement dans notre bocal pendant qu’il est temps.
Image à la Une © Éditions Les Presses Littéraires.