L’image et son ombre.
Peter Tillessen, « Superficial Projects ». Centre de la photographie Genève, du 25 novembre 2016 au 22 janvier 2017.
Qu’est-ce qu’une image montre ? Qu’ouvre-t-elle ? L’artiste Peter Tillessen répond de manière à ravir tous les iconoclastes : l’image ne peut rien par elle-même. Elle a besoin de légende. Depuis 2002 le Zurichois le prouve avec « Superficial Projects », ensemble de plusieurs centaines de photographies. Elles jouent et déjouent les relations entre images et commentaires dans une suite de mise en abîme. Et soudain le regardeur toujours plus ou moins « dormeur-éveillé » sort de son sommeil.
L’artiste illustre combien l’image, par ses ambiguïtés et par son écartement de tout contexte, n’est plus qu’un attrape-mouches ou un attrape-toi toi-même. Viennent s’y coller un amas d’événements réels/faux au sein d’un ordre sans signification et dans lequel la faculté de comprendre est réduite à néant sans le fléchage des mots.
Encore faut-il des images pour le prouver ! Et c’est la toute la quadrature d’un cercle vicié que Tillessen ne cesse de redresser là où la capacité de jouissance visuelle est complétée par un ordre logique ou causal. Certes, il arrive en effet que dans l’image « plus rien ne colle » – mais de fait c’est aussi la manière de faire décoller l’imaginaire où se dissolvent les concepts de réalité et d’apparence. Rien n’est donc simple autant dans le domaine des apparences que dans celui de leurs analyses. Et il n’est nul besoin de la prétendue malédiction de Psyché pour qui la lumière externe détruit instantanément le cristal de l’image amoureuse pour comprendre ce que l’artiste suisse présente dans son projet afin de lutter contre l’illusion et l’immédiateté.
Photographie à la Une © Peter Tillessen.