Rachel Labastie & Nicolas Delprat, « Liberté liberté chérie », L’attrape couleur, Lyon, vernissage le 7 novembre 2015 jusqu’au 20 décembre 2015.
Avec différents matériaux et reliques vernaculaires Rachel Labastie crée un monde sinon nonsensique du moins en perte d’orientation et qui jouxte des abîmes. La puissance « machinique » est mise en branle pour piéger le regard à travers d’étranges cérémonies minimalistes et parfois déliquescentes. De la civilisation humaine et ses croyances il ne reste que ce qui en tombe. Cela n’empêche en rien l’enchantement des images. Le minéral reprend son importance dans la magnificence que l’artiste organise telle une princesse potentielle d’un hypothétique nouvel âge. Celle-ci organise un matérialisme métaphysique selon une féerie en charpie et par un retour à l’argile.
L’œuvre est hypnotique et jouissive dans les fusions proposées. Les apparences se déforment sous la puissance d’une poésie primitive. Elle permet d’écraser ce que l’artiste intitule dans une série « l’Apparence des choses ». Demeurent des entraves et des vestiges propres à conserver une mémoire culturelle et une narration paradoxalement peu éloignée d’une récit autobiographie éloignée toutefois des inepties de l’autofiction. Surgit une réflexion sur les liens familiaux et sociaux. Elle questionne le fondement de l’identité, sa part animale et refoulée à travers des archétypes d’un inconscient collectif maîtres de nos comportements et de la civilisation.
Par ses sculptures Rachel Labastie évoque divers rituels ancestraux. La marche sur le feu par exemple : elle permet d’habiter le corps. De celui-ci surgissent différents fragments calcinés fabriqués en céramique et rassemblés en tas sur de l’argile noire modelée cuite en forme de foyer. Ces vanités d’un nouveau genre rappellent autant le charnier qu’ils symbolisent l’âtre familial fondement de la civilisation.
La fragilité de l’être et du monde dépasse l’absence et la disparition. L’œuvre devient ainsi le lieu des lieux, elle signe la présence de la transmission et du partage face aux terribles leçons de l’Histoire depuis les grottes rupestres jusqu’à l’ère du numérique. Une telle approche est d’une puissance esthétique rare. Elle rapproche la puissance et le sacré du vernaculaire et de la destruction. Chacun peut se projeter dans cette expérience plastique et humaine. Elle fait son fruit du temps et de ses ruines selon différents processus de transformation plus que de destruction. Le corps de l’artiste est totalement imbriqué dans le face à face avec la matière en cet art physique, charnel. Son pouvoir fascine et d’une certaine façon tue.
Portrait à la une réalisé par Charles Devoyer.