Dans les arcanes de la branlette.
Pardon pour ce sous-titre peu commun mais si l’on doit parler du dernier chef d’œuvre d’Olivier Py, Les Parisiens, il faut tenter de se placer à un certain niveau et essayer de refléter le plus fidèlement ce dans quoi nous sommes plongés. Cet article est donc sur un registre teinté d’ironie, grinçant, un peu vulgaire, voire légèrement facile et gratuit.
En 2014, nous avons été époustouflés par Orlando ou l’impatience : « On est seulement face à un délabrement de tous et de tout, à une torture volontaire et impassible, enfin, à un nihilisme, un postmodernisme primaire et primate, sans saveur, juste pestilentiel, juste épuisant de lâcheté et de défaitisme. ».
En 2015, nous avons été bouleversés par Le Roi Lear : « La succession de symbolismes simplistes au nom d’une pseudo popularité transformée en démagogie, de sur-jeux surannés au nom d’un héritage anachronique aujourd’hui, tout cela rendu nauséabond par la manipulation populaire opérée par le lieu et l’auteur que vous jouez. ».
En 2016, nous avons décidé de faire une pause, peut-être le temps de se remettre des deux années précédentes…
En 2017, nous avons voulu voir ce que Les Parisiens disent sur le milieu de la culture dont nous faisons partie.
Commençons par rappeler l’histoire dont toute ressemblance avec son auteur-metteur en scène n’est pas du tout fortuite. Aurélien, jeune artiste souhaite conquérir la capitale et compte bien se faire une place ; il est bien entendu gay et sort avec un célèbre chef d’orchestre. La narration se déroule également deux prétendants à la direction de l’Opéra de Paris – opéra tout à fait assimilable à l’Odéon dont la direction avait échappé à Olivier Py et au bout de cinq ans, il semble que la pilule ne soit toujours pas passée. On devine également d’autres personnages phares de la sphère parisienne comme Frédéric Mitterrand, Pierre Bergé, etc. Tout se beau monde est plongé dans un univers où il s’agit de savoir qui tire les ficelles, qui manipule qui, et qui va arriver à prendre le pouvoir par ses manœuvres. Un univers où le sexe déborde de toute part jusqu’au vomissement avec des bites peintes en bleu, des godes (rouge ou bleu-blanc-rouge), de la sodomie, de la zoophilie… même la clé USB est en forme de phallus…
De cette histoire, quel propos pouvons-nous en tirer ? C’est là toute la question malheureusement car on a l’impression d’assister à un règlement de compte personnel de la part d’Olivier Py avec le milieu culturel. Le spectateur est plongé dans un égo-trip aux nombreux clichés – « Seul le théâtre peut sauver la société. », aux enchaînements bancals – « La politique culturelle est finie… je vais me branler… », aux propos choquants – « Je suis une pute qui sert de défouloir aux arabes et aux travailleurs immigrés ». On a beau essayé de se dire que l’on touche à du second degré, cela ne passe vraiment pas d’autant plus que les acteurs sont régulièrement dans le cri plutôt que dans le jeu. Cette mise en scène, sans grande fulgurance, aux tentatives d’analyse sur la théologie ou le féminisme sonne faux de bout en bout.
Fait assez rare pour être souligné, à la fin de la représentation quelques huées, certainement signe d’une liesse populaire, jaillissent dans la salle. Autre fait, une remarque entendue à la sortie : « Alors c’est comme ça dans le milieu de la culture, il n’y a que des gouines, ou des pd qui s’enculent, et qui font des soirées mondaines… ». Cela pourrait presque paraître anecdotique si ce n’est que cela pose le problème de savoir à qui l’on veut s’adresser. L’ensemble des spectateurs n’est pas au fait des rouages d’un système qui est loin d’être parfait, certes, mais qui a le mérite d’exister et de fonctionner ; la France ne fait d’ailleurs pas partie des pays les plus mal lotis en terme de politique culturelle.
Caricaturer à un tel point ce milieu peut s’avérer dangereux car si l’on pousse encore un peu plus loin la réflexion, le propos facile, gratuit et potentiellement incompris qui est proposé devient presque insultant envers toutes ces femmes et tous ces hommes qui œuvrent durant l’année pour faire notamment tourner des structures en devant sans cesse aller chercher de nouveaux publics et en étant sur le terrain. Cette adaptation de Les Parisiens est de l’ordre de la branlette intellectuelle autocentrée sur soi-même et mérite d’être mise dans un placard fermé à double tour.
Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.