Combinaisons de plongées dans l’intime.
Maurice Renoma, « Retour aux sources », Chenaux Gallery à Paris du 19 février au 25 mars 2016.
Tout photographe déforme le monde en fonction de sa subjectivité. Mais est-ce une déformation ? Farouchement indépendant, Maurice Renoma qui ne s’est jamais lié en dépit de ses responsabilités d’hommes d’affaire à une véritable famille artistique ou à un genre photographique univoque reste un maître des portraits de groupes. Il cultive un « surréalisme » bien à lui fait d’embrouillamini de formes et de déguisements où l’être devient animal : biche, cheval, etc. À la fois magicien des silhouettes et insomniaque rêveur, il propose une transsubstantiation du corps et de ce qui l’entoure. Il s’agit de faire exploser de l’intime loin des codes de l’érotisme classique. D’où l’hybridation qui parcourt l’œuvre et lui donne tout son prix.
La force de la photographie naît de la fusion comme de la désarticulation entre la poésie et le réel : chiasmes et anacoluthes complotent pour casser un cours admis. C’est comme cela que la conscience s’ouvre : par illuminations, travestissements pour une force de vie et une dimension inédite de la connaissance sans quoi l’art n’est qu’un aimable divertissement. Certes l’œuvre peut inciter les alcooliques et même ceux qui ne le sont pas à boire sans jamais atteindre l’ivresse de l’oubli. Elle pousse les des agnelles perdues dans les bras de loups désespérés pour qu’ensemble, ils ravivent leurs plaies mais aussi des espoirs. L’artiste montre comment on attache du plomb aux chevilles des premières pour mieux les faire plonger mais il les fait remonter et ce sont parfois les loups qui s’accrochent désespérément au bord du précipice. Néanmoins si des appels surgissent, ils ne sont pas de terreur. Il s’agit des éclats de rire dans ce qui tient du pur spectacle mais non du pur mensonge. Fellini, que le photographe vénère, le savait déjà. Et le subconscient du photographe devient le miroir de celui des spectateurs de ses images.
