Le cœur en tollé l’âme craquante. Andrée Chedid.
La vie a la grâce de nous briser. Nelly Sachs.
DIRE
nous sommes, et bien des nuits (comme des corsages
comme des cravates) sont portées
et ne font que le déguisement
de bien des visages.
UNE FOIS CORPS
un vase qui se remplit d’eau attend tes deux mains pour déborder.
DANS NOS PASSÉS, IL Y A UN ÉCRIN
… à l’intérieur,
des brûlures en myriades.
l’intérieur de nos yeux est tapissé de bruitages,
l’intérieur de nos yeux est tapissé de rêveries.
il semble qu’au lieu d’être une somme d’autres choses, comme les étoiles,
nos vies se contentent toujours plus de moins en moins. chaque seconde
s’entend naître. chaque moteur enfreint la loi qu’il suffit de marcher.
nous naissons car l’orage a pris fin. nous avons survécu
car un vent nous posta vers l’autre côté de ce monde, vers d’autres cœurs contemporains.
nous dormons de les épeler toutes
les étoiles.
SEUIL
pour franchir cet être-proche-de-toi, avoir-
la-main-sur-toi : trois prières avant la lèvre : unique/humble/disparu. dire :
« nous vous aimons » « je n’ai été créé que pour toi » « une jolie pierre
pour trébucher ».
devant le spectacle de la glace qui se brise,
nos visages s’éparpillent.
l’intérieur de nos yeux murmure,
l’intérieur de nos yeux commande aux immeubles et aux trottoirs de faire
grincer leurs dents sur le sucre d’être-proche-de-toi, avoir…
l’intérieur de nos yeux est tapissé de souvenirs,
l’intérieur de nos yeux est tapissé de frissons, par joie et par honte.
CE QUI M’EXPLIQUE LE MIEUX POURQUOI JE RESPIRE
le galet que je tacle sur lequel je blesse mon orteil ;
le poison de fantasmer ton étreinte se clore à tout jamais sur le monde ;
le phare enseveli dans un sable où jeter sa lumière est en vain ;
le livre avec ses pages déchirées et chacune d’elles me ressemble
d’une certaine façon ou bien d’une autre.
AFFRONTE LE JOUR UN NUAGE
mon amour comme un mur en briques d’eau ?
se forger, s’aiguiser l’âme
ou la chérir,
bossue et potelée.
POÈME
paume tournée vide devant le froid qu’annonce le temps mesurable,
ce soir,
pour mendier ceux qui restent
ou devenir qui nous aiment.
Photographie © Loïc Mazalrey.