Multiverse

Un ménage à trois (D).

Il est tout à fait inhabituel de se rendre dans un théâtre et de se voir remettre des lunettes 3D à l’entrée de la salle. C’est pourtant l’expérience que proposait Bonlieu Scène nationale Annecy le week-end dernier.

La conception de Multiverse est signé du chorégraphe Garry Stewart, Directeur de l’Australian Dance Theatre (ADT) depuis 1999. Au travers de cette création qui a demandé une résidence de deux à l’université de Melbourne dans le laboratoire dédié au mouvement, Garry Stewart poursuit son exploration de l’alliance de la danse avec les nouveaux médias et technologies. Multiverse est donc un spectacle transdisciplinaire mêlant danse, musique et images tridimensionnelles. L’expérience est intéressante mais ce ménage à trois peine à convaincre.

Bien sûr ce qui frappe en premier dans Multiverse, c’est le processus 3D. Le spectateur voit différents objets, rosaces, boules colorées, diamants étincelants ou des lignes et autres courbes être projetés dans sa direction ou être suspendus sur le plateau. Le travail est indéniable mais manque cruellement d’inventivité et de modernisme. Au bout de quelques dizaines de minutes, on ne peut d’ailleurs pas s’empêcher de se remémorer avec une certaine nostalgie son écran de veille de Windows 98…

Le champ de vision étant enfermé par des lunettes, le regard se retrouve hypnotisé par ce qui l’attire le plus, l’image, au détriment des trois interprètes et donc de la danse. Par moments, on aimerait vraiment que la 3D cesse, surtout quand celle-ci est simpliste, afin que les danseurs puissent révéler leur humanité en n’étant pas que de simples corps qui ont laissé leur humanité en coulisses. Samantha Hines, Matte Roffe et Kimball Wong évoluent sur une musique, elle aussi expérimentale et très redondante, de Brendan Woithe (KLANG) dans des mouvements rapides, saccadés, hachés avec des inspirations venues des arts martiaux.

À l’image de Pixel de Mourad Merzouki, les interprètes de Multiverse manipulent des objets virtuels. Mais à la très grande différence de Pixel, où la précision des gestes était calée au millimètre près, celle de Multiverse laisse à désirer. Le manque de synchronisation ne fait qu’accroître le sentiment d’une non-interaction entre les images et les danseurs. Il faut avoir une forte imagination et une profonde empathie pour que le charme opère.

Il faut peut-être prendre Multiverse comme un objet expérimental dominé par la technologie où l’on a quelque peu oublié le geste chorégraphique.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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