Quand The Dø réinvente le clip vidéo.
La démarche est originale : plutôt que de composer la musique à partir des images, comme c’est l’usage dans le monde du cinéma, le réalisateur Reynald Grasset (un Français ayant adopté Los Angeles) a choisi de réaliser un court-métrage à partir du dernier album de The Dø.
Tourné dans une réserve amérindienne du Montana, le film relate l’idylle dérangeante de deux enfants qui font l’erreur de s’aimer par-delà la couleur de leur peau. Ils devront donc se cacher. Dans un contexte aussi hostile, leur histoire est évidemment promise à l’échec. La trame est banale mais c’est un tour de force que de bâtir un scénario cohérent à partir de chansons a priori disparates. Sur les douze que comporte Shake, shook, shaken, Reynald Grasset n’en garde que sept, amputées et mises bout à bout de manière à former un fil conducteur. Ce faisant, il condense habilement tous les mythes du cinéma américain : grands espaces, grandes chevauchées, destins tragiques noyés dans des motels minables… Par un jeu perpétuel d’allers et retours entre futur et passé, le montage, dynamique, donne une portée plus universelle à sa miniature et rejoint sans le vouloir l’histoire personnelle des membres de The Dø : « Alors qu’il ne savait pas grand-chose de nous, Reynald Grasset a écrit une fiction étonnamment proche de notre réalité comme groupe, comme ex-couple, comme partenaires de crime. » Mais c’est également dans sa démarche artistique que le réalisateur vise juste : Dan Levy et Olivia Merilahti ont longtemps composé pour le cinéma avant de faire des chansons. Le résultat est troublant, envoûtant.
Reynald Grasset réalise une peinture singulière de l’amour perdu, de l’enfance comme période enchantée. Mais son film est surtout une ode à la liberté. « Veux-tu vraiment revenir en arrière ? », chante Olivia. La vie est une traversée qui se fait en équipe, peu importe que celle-ci soit hors norme— criminelle.
