Une performance intelligente, vraie et juste.
Présente pour la première fois sur le festival, la Sélection Suisse en Avignon se révèle exigeante et ambitieuse en proposant des spectacles comme King Kong Théorie par Émilie Charriot et Traumboy par Daniel Hellmann qui abordent des sujets de société comme le viol ou la prostitution de manière très intelligente, vraie et juste.
Daniel est un travailleur du sexe qui fait part de ses expériences en toute franchise, sans détourner les mots (les prix, les positions, ses clients, etc.). Il raconte comment il a commencé ce métier, légalement reconnu en Suisse, Allemagne ou Belgique par exemple, mais condamnable en France. C’est un des premiers questionnements de cette performance qui soulève l’hypocrisie à la française envers la prostitution ainsi que la stigmatisation, la non reconnaissance d’un métier et donc de droits, ou encore les idées préconçues que tout cela peut engendrer.
Au fil du spectacle, Daniel Hellmann fait un coming out sincère où le doute subsiste entre la part de vécu réel et la part imaginaire. Cette interrogation en suspens ne fait que renforcer ce qu’il est en train de se passer sur le plateau. En véritable performeur, il arrive à installer, en prenant le temps nécessaire, la bonne distance avec le public tout en créant paradoxalement une intime proximité. Il permet par exemple aux spectateurs d’envoyer des sms pour lui poser des questions, ce qui les place dans une position d’acteurs actifs. Mais attention, en retour, Daniel Hellmann restant maître de sa création, posera lui aussi des questions qui touchent à l’intimité. Après tout, puisqu’il se livre en direct sous nos yeux, pourquoi n’en ferions-nous pas autant en répondant sincèrement et spontanément ?
Les différentes parties artistiques du spectacle (shooting photo « hot », installations plastiques) sont très travaillées et mériteraient presque d’aller encore plus loin tant le spectateur se laisse happer par ce qu’il est en train de partager. Parce qu’il s’agit bien de partage, d’autant plus quand le micro circule dans la salle et que le public est invité à lire les commentaires laissés sur le profil de ce travailleur du sexe. À la manière d’un karaoké, ne sachant pas sur quoi chacun peut tomber, ce qui en découle est drôle, parfois cocasse et d’autant plus jouissif.
Rien de provocant, une parole brute, une présence forte, Daniel Hellmann bouscule les codes du théâtre et réussit à nous entraîner avec lui en abordant des sujets souvent tabous, parfois controversés, d’une manière très subtile qui donne matière à réflexion.
Jusqu’au 19 juillet à 23h05 à La Manufacture et retrouvez toutes les dates des représentations à venir sur le site de Daniel Hellmann.
Requiem for a piece of meat | Carnet d'Art
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