Shake, Shook, Shaken.
Voici qu’il est né, le dernier album du duo franco-finlandais the Dø. Shake, Shook, Shaken : secouer, secouais, secouée. Je le suis, nous le sommes encore une fois à l’écoute de ces musiciens parmi les plus inventifs de la scène française. Cet album, concentré de douze tubes électro-pop, a tout pour séduire : des refrains imparables concoctés par ce lutin nordique d’Olivia Merilahti, dont la magie semble grandir avec les années, et des atmosphères spatiales dans l’air du temps orchestrées par Dan Levy, qui a fait ses preuves dans les musiques de film.
À nouveau, plus qu’à la simple écoute d’une galette pop, le duo nous invite à un voyage : de folk qu’il était sur le premier A mouthful à nocturne sur Both Ways Open Jaws, il est devenu lunaire tout au long de Shake Shook Shaken. On traverse des paysages froids, non identifiables, mais réchauffés par une voix de sirène, et on ne peut résister à la tentation de se laisser guider.
Dès l’ouverture, avec Keep your lips sealed, Olivia nous intime le silence, comme aux complices maladroits d’un crime savamment planifié : « Now, just do as I say, keep your lips sealed […], don’t betray ». Les menottes aux poignets, on obtempère, ravis d’avoir été pris en flagrant délit d’écoute subversive. Tous les éléments sont là, dès ces trois premières minutes, des percussions électro tribales à la voix élastique, des synthétiseurs cosmiques aux nappes de cuivres organiques. Tout le reste de l’album est issu de ce premier jalon : il se déroule, fluide et cohérent, ne donnant lieu ni à la répétition ni à la lassitude. À partir des mêmes ingrédients, le Duø parvient à déployer une palette musicale d’une grande richesse qui permet à chaque titre de développer une identité propre. On avait été séduit par le single Keep your lips sealed (diffusé sur les ondes durant l’été), que l’on pensait mis en avant pour son ton frais et accrocheur, et voilà que l’on se retrouve avec onze autres titres dans la même veine !
Inventifs, ayant du goût pour les assemblages hétéroclites, les Dø nous surprennent par l’assurance avec laquelle ils maintiennent le cap tout au long de cet album. Cela tient bien sûr aux couleurs et textures développées dans les arrangements, mais aussi à la voix d’Olivia qui sait, démultipliée sur Going through the walls ou épurée sur l’entrée de A mess like this et Nature will remain, nous guider le long des chemins empruntés aux heures limbiques, entre aube et aurore, quand tous les possibles sont ouverts. Le voyage se referme sur le mystérieux instrumental Omen et nous laisse, abasourdis, entre les branches biscornues d’un arbre métamorphosé par le crépuscule…
Voici un disque qui donne envie de danser sous la pluie, d’aller voir derrière les portes closes si j’y suis, d’avaler un œuf à défaut du soleil. C’est bon.
