Le Tric-Trac du Diable

1

Il n’y a que deux façons de comprendre tout ça
La bonne, et toutes les autres.
Il faut croire.

Croire en ce que tu fais et faire ce en quoi tu crois.

Les outils sont sur place, il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser.
Le temps sera ma vérification.

            Être un « élu », c’est élire Dieu dans son cœur, c’est donner son cœur pour le cœur de la création, « donner sa vie pour ses amis », devenir un refuge pour l’esprit.

            Nos épreuves sont suscitées par nos idées fausses et sont nourries par nos conflits ; c’est nous-mêmes qui les engendrons, c’est nous-mêmes qui les éprouvons. Et nous n’éprouvons pas autre chose que notre capacité à résister à l’Amour de Dieu (la Réalité).

            J’ai toujours la possibilité de croire ou de refuser l’incarnation.

            Le manque de foi, c’est l’esprit qui tergiverse sans cesse avec les conditions, mesure les angles à tout point de vue, pour chaque perspective, cherche le chemin le plus court entre un point A qu’il croit connaître et un point B qu’il croit pouvoir déterminer avant de s’engager dans une action (ou dans une « non-action »).

            L’esprit qui, par ignorance, veut soumettre l’âme à l’épreuve de sa véracité, s’abat sur elle comme un foudre de guerre, oppose à Sa lumière la lourde panoplie de ses terreurs, prêt à Lui faire subir mille torture : c’est lui-même qu’il éprouve en vérité, sa propre faculté à ne pas douter, à ne pas susciter pour lui-même obstacles et souffrances, à s’en remettre aux conduites des plus hauts commandements de l’âme.

            Car l’esprit, seul, ignore ces choses-là, lui seul se place dans l’incapacité de répondre aux questions ou problèmes qu’il se pose, de se disposer, simplement, à obéir à Sa volonté (de l’Âme ou de Dieu) ; l’âme, quant à elle, ne doute pas de ce qu’elle est puisqu’elle l’est absolument. Elle ne demande jamais à l’esprit de lui démontrer quoique ce soit, mais simplement de la découvrir, elle qui est comme la source et le chemin vers la source.

« Moi, je t’ai vu, toi, tu ne m’as pas vue.

  Tu ne m’as pas reconnue ; j’étais avec toi comme un vêtement et tu ne m’as pas sentie…

  Pourquoi me juges-tu ? Moi, je ne t’ai pas jugé.

  On m’a dominée, moi je n’ai pas dominé ; on ne m’a pas reconnue, mais moi, j’ai reconnu que tout ce qui est composé sera décomposé sur la terre comme au ciel. »

Évangile de Marie.

            Les étoiles continuent de briller, la lune grossit jour après jour, nuit après nuit les grillons investissent l’espace sonore pour nous offrir leur concert d’été que les quelques automobiles qui passent sur la route nationale ne troublent jamais longtemps.

            Malgré les rumeurs de guerre qui grondent un peu partout sur la planète – et qui sont aussi notre pain quotidien – tout est calme, tout est normal. Moi-même, il me semble que je n’ai pas bougé de cette chaise, que je n’ai pas levé le nez de mes cahiers. Pourtant, je sais que tout cela ne pourra pas se poursuivre… 

            Nous incarnons ce complet revirement de l’histoire que l’on appelle l’éveil !

            Nous cheminons, comme dirait l’autre, « de défaite en défaite jusqu’à la victoire », et nous n’avons pas le triomphe facile. Ah ! mes amis, si vous connaissiez comme moi l’origine de votre exigence, le cœur de votre cœur !

            Nous sommes très proches.

            Mes visions ne vous serviraient à rien si j’essayais de vous dire à quoi cela pourrait ressembler. À ce stade, elles demeurent essentiellement dangereuses – simplement parce que l’esprit peut se perdre dans son voyage et se laisser happer par des énergies sombres, basses, etc.

            Aussi loin que l’esprit puisse aller (et il n’y a pour ainsi dire aucune limite au domaine de l’esprit), il ne faut jamais oublier que pour nous tout se réalise dans et par l’incarnation.

            La Réalité ne change pas, c’est nous qui nous forgeons une autre pratique du réel, un autre regard.

            Ici, sur la Terre

            dans le monde des hommes où nous sommes nés.

            Caresser la vie, aimer nos femmes, grandir avec nos enfants.

            Il y a de l’orage ce soir.

            Nous avons beau avoir construit des superordinateurs et des méga-machines, il y a encore de l’électricité dans l’air, comme il y en a depuis des centaines de millions d’années. Et il reste des hommes pour trembler et s’en émerveiller.

2

            Nous ne vivons pas tous dans le même monde, le saviez-vous ? Vous l’avez peut-être oublié… Voilà comment une poignée d’imbéciles sont parvenus à vous faire croire qu’il n’était qu’un seul monde, une seule et même destinations pour tous, quelque chose comme un réel objectif ou un destin planétaire.

            De dire que nous ne vivons pas tous dans le même monde, que nous n’en sommes pas tous au même moment ni dans les mêmes conditions, est aussi évident que de dire que nous ne prenons pas tous naissance dans le même milieu ni au sein de la même famille.

            Pour vous en rendre compte, il suffit que vous coupiez la télévision, les radios, internet, que vous vous déconnectiez en somme, que vous vous isoliez quelques instants de votre environnement social et mental, autrement dit que vous transgressiez le monde et la loi de vos habitudes.

            Une fois que vous aurez rejoint, dans cet espace de quelques instants, le silence qui vous habite, qui est celui de la respiration (pneuma) de votre corps ou de votre âme profonde, ouvrez simplement les yeux et regardez autour de vous, à l’extérieur comme à l’intérieur, observez comment les choses se passent.

            Faites ce simple exercice chaque jour pendant quelques jours et interrogez votre expérience ; demandez-vous ce qu’il y a réellement de « connu » ou de « commun » dans ce que vous êtes en train de vivre. Dans cet espace de quelques instants (et un instant n’est pas une seconde !) mais aussi dans la totalité affective et spirituelle de votre présence au monde depuis que vous êtes arrivé ici, que vous avez ouvert les yeux pour la première fois.

            Lorsque je parle du monde, je ne parle pas d’un milieu social d’évolution, je ne parle pas non plus d’un monde imaginaire ou d’un univers de compensation narcissique tel que chacun aurait le sien selon les formes qui lui seraient loisibles. Quand je parle du monde, je parle d’une expérience du monde, je parle de différents moments de l’histoire humaine universelle, qui pourraient correspondre à différents « niveaux de conscience » ou « degrés de développement spirituel ».

            Ces notions, issues des mouvances new-age ou néo-mystiques, cachent plutôt qu’elles n’expliquent la causalité fondamentale que recouvre le concept de karma.

            Le karma est un concept philosophique forgé par les traditions religieuses et mystiques indiennes, explicité par le Bouddha et reprit par les différentes écoles qui se réclamèrent par la suite de son enseignement. Au sens le plus strict, il signifie l’Action, au sens d’acte volitionnel, conditionné par le désir ou la volonté. La « loi du karma » n’est pas une logique de rétribution ou de châtiment pour les bonnes ou les mauvaises actions morales que l’on aurait commises dans une quelconque « vie antérieure », mais une logique de causalité.

            Nous récoltons, nous dit le Bouddha, les fruits de la création du désir humain, de l’océan infini des désirs humains, qui s’assouvissent en même temps qu’ils s’engendrent de nouveau – tel est le cycle sans commencement ni fin du samsara. Ces fruits que je récolte dans cette vie-ci, ce n’est pas « moi » qui les ai semés, et on ne peut pas réellement dire que ce soit « moi » qui en fasse la récolte. Mais ce n’est pas un « autre » non plus.

            Le Bouddha souvent laissait ses auditeurs avec de telles énigmes comme un bourdonnement d’abeilles consciencieuses à leurs oreilles. Puis, par son silence, il les invitait au silence ; par sa méditation, il les invitait à la méditation.

            Sous sa formulation la plus élémentaire, la loi du karma est relativement simple (peut-être trop simple pour l’esprit dorénavant compliqué de l’homme occidental) : les êtres, leur monde, leur origine, leur devenir et leurs destinations, sont le fruit de leurs actions. Notre bon vieux sens paysan ne dit pas autre chose : « On récolte ce que l’on sème ». Nous disons même un peu plus : « Qui sème le vent récolte la tempête », ou encore celle-ci, qui agace fortement les petits maraudeurs : « Qui vole un œuf vole un bœuf ». Ce n’est pas du tout un rapport d’équivalence qui est souligné, mais une logique causale d’enchaînement des actions, d’agrégation, de concaténation, de stratification des impostures de l’être sous une certaine forme de son ignorance.

            La loi du karma est donc la description d’une causalité d’enchaînement de l’être aux raisons ou implications (passées, présentes et futures) de ses actions.

            Certaines actions, il est vrai, ne nous engagent pas beaucoup ; d’autre nous engagent sur de longues durées, mettent en jeu des pans entiers de notre existence, celle de nos familles, de nos proches – pour ne par évoquer ici des responsabilités plus inquiétantes. Certaines actions mûrissent rapidement ; tandis que d’autres traversent bien des âges avant de trouver les conditions favorables à leur fructification. Certains enchaînements d’actions (ou réalisations humaines) seront dits nobles ou salutaires, en cela qu’ils nous conduisent en des destinations heureuses, des mondes apaisées ; d’autres seront dits mauvais ou dangereux, en cela qu’ils nous conduisent en des destinations malheureuses, des mondes de guerres, de violence et de misère.

            Il y a de ces « actions mauvaises » (non d’un point de vue moral abstrait, mais par la souffrance engendrée, éprouvée, effectivement vécue par des êtres de chair et d’os, d’émotions et de pensées) qui enchaînent les individus sur des générations et des générations, qui minent tout un lignage ; ce sont parfois des civilisations entières qui se trouvent enchaînées sur des siècles et des siècles, comme ce fut le cas dans ce vieux mythe d’Abel et de Caïn, du « meurtre fondateur » de cette étrange histoire que nous sommes en train de traverser, que nous traversons depuis des millénaires, sans rien y voir que le bout de notre nez.

            Le premier meurtre, ce n’est pas le premier acte de violence commis par un être humain sur un autre être humain, mais c’est un fratricide (le frère contre le frère) conscient et prémédité qui ouvre pour l’homme, pour la conscience, une brèche en laquelle s’engouffrent progressivement toutes les guerres planétaires qui s’en suivront, jusqu’à l’ultime guerre universelle et absolue qui nous est promise.

            Cette brèche ouverte, c’est le temps de l’histoire, c’est l’histoire de la Civilisation, l’histoire cachée d’un meurtre maquillé en suicide, en acte de justice. C’est à ce moment-là que le Domaine du Sacré – c’est-à-dire de la relation de l’Homme au Vivant – a muté en « espace de pouvoir » ; que le pouvoir – qui était cette capacité des chamans ou des sorciers à mettre la Communauté en relation avec les puissances de l’Esprit (la Source, le Logos) – s’est transformé en organisation du mensonge et de la dissimulation, en « mise en scène » ou en « spectacle » d’une réalité inversée, tronquée, falsifiée : le spectacle devient la forme de la conscience humaine ; l’ordre politique devient son principe.

            C’est à ce moment-là que l’on s’est mit à tuer les prophètes ou les messagers, et à en fabriquer des faux.

            Les choses, bien sûr, ne sont pas aussi simples et ne peuvent être expliquées en quelques paragraphes. Mais ce que nous pouvons remarquer, encore une fois simplement en ouvrant les yeux et en regardant autour de nous, c’est que, ce que nous appelons la Civilisation, loin d’avoir résolu l’énigme du « meurtre fondateur », se trouve devant cette brèche, cette fracture ouverte, comme au seuil de tous les futurs les plus abominables : de cela aussi il faut prendre conscience quand on prétend participer à « l’éveil de la conscience planétaire ».

            Nous savons aussi qu’il existe des tas de gens qui vivent et qui ont vécus pendant des millénaires en dehors de la Civilisation, dans les dehors de la Caverne. Des êtres qui sont parvenus à briser les cycles de leurs enchaînements perpétuels, ou tout du moins à en limiter drastiquement la production ; des êtres qui pratiquent le monde des hommes et des animaux en suivant les chemins de délivrance ou de non-enchaînement.

            Aujourd’hui encore, et depuis des siècles, aux carrefours de toutes les civilisations de l’histoire, apparaissent des êtres qui délivrent en eux-mêmes et pour l’ensemble des êtres cette sagesse élémentaire de l’incarnation.

            Lorsque nous pratiquons ce simple exercice dont je vous parlais tout à l’heure, nous réalisons, ne serait-ce que pour quelques instants, que cette machinerie objective d’administration plus ou moins oppressive n’est pas du tout une réalité absolue ; qu’il est tout à fait possible d’échapper objectivement aux conditionnements totalitaires de la Caverne, de se soustraire au temps sacré des horloges, du travail et de la production, aux logiques impérieuses de l’histoire de l’économie politique.

3

            Ah ! Ce que nous sommes venus faire ici, depuis la nuit des temps, ce que nous sommes sur cette boule pleine de lumière – et bien accompagnée ! lancée à pleine vitesse dans le vide du temps !

            Nous ne sommes pas « seuls », mes enfants, sur cette Terre ou dans cet Univers, nous ne sommes pas sans origine ni destination. L’histoire qui nous engendre et que nous engendrons précède de loin l’apparition de la vie sur la Terre.

            Nous venons d’ailleurs, du soleil, des étoiles – personne ne le sait…

            Nous sommes nés ignorants, oublieux : les poètes nous l’ont assez dit.

            Mais je ne vais pas vous raconter d’histoire. J’ai entr’aperçu comme à travers un mur de voilures, par trans-parence, quelque chose qui pourrait ressembler à « l’autre côté du monde » : mais je ne sais pas du tout ce que c’est. Tout ce que je sais, c’est ce que je suis disposé à recevoir, ce que je dé-couvre en remuant les voiles de ma conscience, ce que j’accepte de ne pas comprendre.

            Croyez-moi, le temps viendra où vous vous souviendrez de tout, vous vous souviendrez de nous, vous nous verrez peut-être comme vous ne nous avez jamais vus. Ne soyez pas pressés, n’oubliez pas que ce qui s’effondre, ce sont les machines de vos illusions. Traversez ces ruines qui adviennent en vous tournant vers votre cœur car il sera dans cette épreuve votre guide le plus sûr, le seul qui connaisse le nom secret de votre destination, et que vous êtes seuls en mesure de réaliser.

            Ici-bas, il nous faut vivre et mourir,

            l’incarnation est le seul chemin.

            Avant de chercher à savoir ce que nous sommes venus faire ici, dans les mondes de l’incarnation, d’où nous venons et ce que nous étions avant d’être fécondés dans la terre de nos espérances, il faut commencer par se demander où nous sommes en réalité, où est-ce que nous mettons les pieds, ce que nous appelons l’être humain, l’animal ou la créature dans le ventre de laquelle nous nous fécondons.

            Certains disent que tout cela est sans importance, que ce n’est qu’un jeu, une illusion, et que notre vérité est à la fois ailleurs, à la fois très différente. Et c’est vrai que nous attachons souvent beaucoup d’importance à ce que nous imaginons être la réalité (et le Mal s’attache précisément là où nous nous attachons).

            Ce n’est pas tant notre expérience en tant que telle qui est une illusion ou un faux, que certaines limites où nous maintenons nos perceptions physiques et mentales et qui nous permettent, en l’état, de voir ce que nous voulons bien voir.

            Mais si nous voulons nous souvenir réellement de comment les choses se passent « de l’autre côté », dans la réalité, nous devons réaliser ce que nous sommes dans le milieu de l’incarnation : ce sont nos œuvres que nous ressuscitons et, dans nos œuvres, ce sont les chemins de l’âme (ou de l’esprit) que nous préparons, ses destinations choisies.

            Certains vont se perdre dans l’esprit, croyant y connecter des vérités essentielles plus vraies que le monde, laissant aux leurs une carcasse animée par on ne sait quels agrégats de consciences ou de mémoires végétatives tout juste aptes à maintenir éveillées les fonctions vitales élémentaires, qui se nourrissent de l’amour et de la peine des parents pour le fils qui, lui, parfaitement inconscient, continue de rêver dans des profondeurs d’où l’on n’est jamais vraiment sûrs de pouvoir revenir…

            Demandez-vous pourquoi les choses se passent ainsi : si tout ça, la Création, l’Incarnation, c’était du bidon, pourquoi le Danseur de claquettes et ses légions s’acharneraient depuis des millénaires à vous maintenir enfermés ? Pourquoi cela lui tiendrait autant à cœur de maintenir ses Puissances et ses Principautés sur la Terre, qui est précisément la terre de notre incarnation ?

            Seule l’expérience humaine, charnelle, affective et spirituelle, ouvre la Voie pour l’Esprit.

            C’est sur la Terre, au cœur des royaumes animaux, que nous réalisons ce que nous sommes de toute éternité – ce que Je suis.

             Mais la Terre même, l’Animal et l’Esprit, ne sont pas du tout ce que vous croyez.

            C’est ici que ça se passe, mais nous ne sommes pas venus pour rester, sans quoi nous ne mourrions pas.

            Nous ne sommes pas venus pour nous laisser enfermer dans le Tric-Trac du Diable.

            Il n’y a pas d’autre illusion que cette fabrication en fonds-de-tiroirs, qui n’est possible que sous le rapport de l’ignorance (ou de l’oubli) de ce que nous sommes dans la réalité.

4

            Ce que nous appelons notre « conscience », autrement notre faculté de vivre une expérience, d’éprouver le réel ou le vivant, notre « puissance d’être affectés », cela ne peut se produire que sous le rapport de notre sensibilité, dans les conditions de l’incarnation (la Terre, l’Animal, l’Esprit). « L’autre côté du monde » est également une production de l’esprit, un point de vue sur la réalité tel qu’il se trouve déterminé par les limites physiques et mentales entre lesquelles nous maintenons la totalité de notre expérience.

            L’ignorance, ce serait la plus grande distance entre ce que nous sommes ici-bas et ce que nous serions là-bas, de l’autre côté, dans la réalité ; « se réveiller de l’autre côté », ce serait réduire cette fracture en accomplissant la totalité du parcours de la connaissance, apprendre à mourir, à quitter le monde et la vie ; l’éveil, ce serait alors la plus grand proximité entre ce que nous sommes ici-bas et ce que nous serions là-bas, dans la réalité.

            L’ici-bas et l’au-delà ne sont pas des localisations géographiques. « Passer de l’autre côté », ce n’est pas passer d’un espace de temps relatif à un autre, ce n’est pas non plus passer du relatif à l’absolu. C’est, plus simplement, réintégrer sa propre relation à l’absolu, exhausser l’absolu dans l’être de chaque relation. C’est une pratique du vivant, un art de vivre, une sagesse, que l’on nomme simplement relation d’amour (agapé).

            Pour la suite et pour faire simple, pour tout ce qui concerne exactement « l’autre côté », nous le verrons bien assez tôt – « à l’heure de notre mort ».

5

            Nous mesurons notre progression à des réalisations simples.

            Chaque jour est important et comporte des occasions pour nous de réaliser un moment de notre vérité, pour ouvrir une porte, résoudre un problème ou une contradiction, pour faire l’expérience d’un geste, d’une parole, d’une pensée.

            Cette dimension de la pratique est comme un jeu. Car la pratique spirituelle, l’apprentissage de la sagesse, ne sont pas réglementés, mais assumés ; la méthode est création : d’un dispositif, d’un véhicule, d’une barque ou d’un radeau, dont la fonction est de favoriser la traversée des voiles du Mystère que la conscience suscite pour penser la Réalité de son Être.

            Traverser le Courant qui conduit sur l’Autre Rive, où nous attend l’enfant lumineux du poème…

            Le dispositif ne fonde sa vérité, son efficacité, dans aucun Rite, dans aucune Doctrine, mais dans la pratique qui, seule, lui donne naissance et direction. On ne s’attache pas au dispositif, ni aux illusions qui font gonfler ses voiles.

            Ce Courant, ce Fleuve que nous traversons, est parfois vaste comme un Océan. Il nous fera traverser des aventures, des mondes fantastiques peuplés de ces êtres que l’on rencontre dans la poésie ou dans la littérature, tous les mondes de l’esprit qui se bousculent au travers de nos imaginations – c’est aussi tout cela qu’il nous faut traverser !

            Il arrive parfois que, au milieu de l’Océan, nous dérivions sans horizon ni fin ; il arrive que notre navire se brise contre des récifs que nous n’avons pas su éviter, et qu’il nous faille trouver refuge sur une île ou dans un port, afin de récupérer ses forces et les moyens de regagner la mer – fut-ce en marchant sur l’eau !

            Des îles ou des ports où parfois l’on s’attarde et où l’on finit par s’oublier et par s’éloigner de ses destinations rêvées : « Celle-ci en vaut bien une autre. Est-il vraiment juste qu’il nous faille traverser ? »

            Mais on finit toujours par repartir, un jour ou l’autre, dans cette vie ou dans une autre, aussi loin que l’on se perde, aussi loin que l’on s’oublie, on finit toujours par chercher « le chemin du retour ». Et je ne crois pas qu’il y ait tout un tas de chemins possibles…

Image à la Une © Luis Tamani, Melodías Ancestrales.


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