Le Plancher

Prendre le bas pour le haut.

LIVRE « Le plancher » par Perrine Le Querrec aux Éditions L’éveilleur, 120 pages, 15€.

Partant de la découverte du plancher de Jeannot, une des œuvres les plus saisissantes de l’art brut exposé au musée du même nom à Lausanne puis fixé sur les murs de l’hôpital Saint Anne de Paris, Perrine Le Querrec remonte l’histoire de celui qui avait enterré sa mère sous ce plancher avant de le couvrir de mot. L’auteur devient la Paule (comparable à celle – Thévenin – accompagnatrice d’Artaud dans son délire) qui ne cesse de porter sa propre écriture dans les germes d’un éclatement à la recherche d’un monde et de vies perdues. Elles n’ont fait que répondre aussi à l’appel du néant.

Jeannot est la victime de la guerre, du mépris des autres et surtout de sa famille. Le plancher va lui permettre un déplacement initiatique en prenant le bas pour le haut, l’obscurité pour la lumière et d’inventer un lieu originel, un lieu où une sorte de pensée phallique aveugle fait que la vie terrestre ne peut qu’avorter et rapprocher du crépuscule une réalité divine suprême. « Dans » et sur ce plancher Jeannot le Fou va se chercher cachant dans un cercueil utérus son être débarrassé (enfin) des forces masculines et féminines par ce coït tellurique au sein non d’une mère mais de la Mère.

Le livre est marqué du sceau du sang des sacrifiés, des victimes qui n’ont droit de citer et d’exister. En surgissent un hymne sauvage et ample, un bouillonnement sourd qui semblent avoir raison de l’empêchement d’être. Autour des forêts imprégnées de la nuit, de la chair de lune, le récitatif lyrique majeur rameute un monde intense pénétré de la tradition de l’aveuglement où il est impossible à la fois de quitter l’ici pour fondre dans l’ailleurs ou de se libérer de la dernière petite fibre rouge de la chair de la mère.

Image à la Une © Éditions L’éveilleur.

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