Jacky Terrasson & friends

Vendredi 27 novembre, Jacky Terrasson fêtait son cinquantième anniversaire en musique à la Scène nationale d’Annecy, Bonlieu.

Ce pianiste franco-américain est le roi du métissage à la jazz. Chaque standard est abordé, traversé, dépassé. Le jazz afro-américain comme la chanson française du milieu du XXe siècle sont réinventés, comme lorsqu’il saupoudre de rythmes salsa « Caravan » de Duke Ellington ou étire langoureusement « Take Five » de Dave Brubeck. En chemin, le swing rencontre « La Vie en rose » et les rythmes africains « La Marseillaise ». Chaque mélodie est prise comme un matériau de base propice à toutes sortes de jeux musicaux et sonores, entre variation infidèle et improvisation plus que libre.

Les trois chansons françaises (La Vie en rose, La Javanaise et Dis, quand reviendras-tu) sont interprétées par la chanteuse de jazz Mathilde, révélée par la dernière édition de The Voice (elle sortira bientôt son premier album, dont la direction musicale est assurée par Jacky Terrasson). En effet, ce concert est autant l’occasion pour Jacky Terrasson de célébrer son anniversaire que de nous présenter ses amis musiciens. Avec la complicité du trompettiste Stéphane Belmondo, il livre une version émouvante de « La Chanson d’Hélène », tirée du film Les Choses de la vie, de Claude Sautet (1970). Ce protégé de Chet Baker joue habilement des timbres de sa trompette et de son bugle : feutré, brillant, avec sourdine ou plutôt sans. À la contrebasse, Thomas Bramerie distille le groove avec discrétion, tandis que ses camarades de jeu se font plus exubérants (Lukmil Perez à la batterie et le charismatique Minino Garay aux percussions).

© Philippe Lévy Stab

© Philippe Lévy Stab

Malheureusement pour nous, les autres invités annoncés par Bonlieu ne sont pas au rendez-vous (Sly Johnson, Cecile McLorin Salvant, entre autres). Erreur de programme, désengagement des musiciens ? Toujours est-il que le public doit faire sans. Même si le jeu tout en contrastes de Jacky Terrasson comporte son lot de surprises (il passe sans transition du Steinway au Fender Rhodes, du pianissimo au forte), même si chaque artiste présent sur le plateau est excellent, au bout d’un moment, on s’ennuie. Peut-être est-ce dû à un concert riche dans le détail mais trop lisse dans l’ensemble. Le choix des morceaux, par exemple, manque d’audace. Pourquoi toujours jouer les mêmes standards, les mêmes chansons ? Pourquoi ne pas profiter de la totale maîtrise qu’apporte la maturité pour proposer des œuvres peu connues ou innovantes ? Il y a « La Chanson d’Hélène », certes, mais c’est trop peu. Nous avons finalement assisté à ce que le jazz français a de plus caricatural : pointu mais hermétique. Malgré une salle comble, les musiciens semblent jouer davantage pour eux-mêmes que pour le public, qui leur est pourtant largement acquis. Où sont passés la sueur, le goût pour la subversion ? Je sors rassasiée, vaguement écœurée. Dommage.

Dis, quand reviendras-tu ? — Mathilde & Jacky Terrasson

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