Nathalie Cauvi

Exposition « Traces, voyage en Terres australes » jusqu’au 02 avril 2017. La Turbine, Cran-Gevrier.

Entre passion et obstination, elle a conçu une exposition sur un endroit où elle n’est jamais allée. Plus qu’un voyage dans les Terres australes, c’est une immersion où se mêlent recherches et rêves.

Quelle est la genèse de l’exposition ?

Cette exposition est partie d’un appel à candidatures de L’atelier des ailleurs qui permet à deux artistes d’être en résidence durant trois mois sur une des îles des Terres australes et antarctiques françaises. Les TAAF regroupent plusieurs archipels complètement perdus au sud de l’océan Indien, entre les Quarantièmes rugissants et les Cinquantièmes hurlants ; c’est l’endroit de la planète où les vents sont les plus forts car il n’existe aucun continent pour les freiner. Pour constituer mon dossier de candidature, j’ai choisi l’île de la Possession de l’archipel des Crozet notamment pour sa taille idéale. Malheureusement, je n’ai pas été retenue mais je m’étais tellement investie et projetée que je ne pouvais pas m’arrêter.

Quelles sont les grandes lignes du parcours qui est proposé ?

J’ai fait des recherches, rencontré des scientifiques, étudié des cartes ; j’ai reçu l’aide de Grégoire Chavanel, le second capitaine du Marion Dufresne, qui m’a donné accès à des données de navigation. Il n’existait aucun plan de la base en 3D, je l’ai donc reproduite à partir de données satellites ou topographiques, d’images et de témoignages.

Dans le parcours de l’exposition, on retrouve des installations ludiques comme cette carte en relief expliquant le magnétisme de la Terre. Celui-ci est invisible, et avec cette installation, il se matérialise grâce à l’action des aimants et des visiteurs. Cela permet de voir la différence qu’il existe entre les pôles géographiques et magnétiques. L’île de la Possession étant proche du Pôle Sud, on en perdrait presque le nord sans cette connaissance. Il y a également une carte qui utilise la réalité augmentée. À partir d’une application, on peut faire une exploration virtuelle de l’île, avec des variations entre l’été et l’hiver, pour découvrir la faune, la flore et les habitants de l’île. Le but est de favoriser le côté participatif et interactif, de comprendre par le jeu.

Comment accède-t-on à cette île et quelle est la place de l’homme ?

Le seul accès à l’île de la Possession se fait par le Marion Dufresne, du nom de l’explorateur. Avec quatre rotations dans l’océan Indien par an, ce bateau sert à la fois au ravitaillement et à la collecte de données scientifiques. Dans l’archipel, l’île de la Possession est la seule où l’homme a le droit d’aller car les autres sont des réserves naturelles protégées strictes. D’origine volcanique, elle n’a jamais été connectée à aucun continent, ce qui explique que l’on trouve une faune et une flore uniques. Cette île est primordiale pour les animaux, albatros ou manchots royaux qui viennent se reproduire.

Comment s’inscrit cette exposition dans votre parcours ?

J’ai un parcours artistique mais j’ai toujours aimé expliquer ou expérimenter les choses. Je me sens assez proche des scientifiques et des mathématiciens car ce sont des gens très créatifs. Auparavant, j’ai conçu des scénarios sur des mondes imaginaires ; cette île aurait très bien pu faire partie de l’un d’entre eux. J’aime le voyage, l’aventure, le côté inaccessible et l’expérience humaine. Je me suis vraiment passionnée pour ce projet. J’en suis tombée amoureuse, durant plus d’un an, j’ai vécu par et pour lui. L’exposition est encore amenée à se construire et à évoluer. Je vais me représenter à l’appel à candidatures car j’ai besoin d’aller sur cette île, m’imprégner, suivre les scientifiques. J’adorerais vivre coupée du monde pendant trois mois, sans connexion.

Quels messages souhaiteriez-vous faire passer ?

Il y a des messages sur l’environnement, sur la prise de conscience de l’importance de ces zones protégées ; ces îles sont les plus grandes réserves naturelles françaises. Il y a aussi le fait d’être curieux, de développer l’imaginaire, l’envie de voyager, de retrouver son âme d’enfant, de ne pas se laisser arrêter par un refus ou un échec, de poursuivre un rêve ou des projets. Le fait que cette île soit assez inaccessible ne fait que renforcer cette idée de ne pas se laisser arrêter, cela rend la chose encore plus belle, d’avoir un chemin qui fasse partie de l’histoire, cela prend du temps et se mérite. L’art se doit d’être au-delà du beau et du laid pour ce qui concerne les arts plastiques mais là, c’est une beauté qui m’émeut, qui me fait ressentir des choses, une sorte d’émerveillement artistique. L’île est belle par tous les rêves qui l’enveloppent.

Image à la Une © La Turbine.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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