La Princesse Maleine

Et ils ne vécurent pas heureux…

Dans le cloître des Célestins, Pascal Kirsch propose une création de La Princesse Maleine, première pièce de Maurice Maeterlinck, assez rarement mise en scène, qui interroge les rapports familiaux, ceux à l’avoir et à l’être à travers tout le grotesque de l’humanité.

Pour ce récit, Maurice Maeterlinck a détourné un conte de Grimm Demoiselle Méline, la princesse qui raconte l’histoire de fiançailles avortées entre deux jeunes personnes, de l’enfermement d’une princesse dans une tour qui survie miraculeusement à une guerre entre deux royaumes, de l’errance de celle-ci dans une forêt et des retrouvailles avec son bien-aimé. Chez Maeterlinck, tout cela est précipité dans un univers où le « ils vécurent heureux jusqu’à la fin des jours » devient un point pivot à une seconde partie où le drame et les contradictions se nouent au sein de la sphère familiale.

Les différents propos soulevés sont donc intéressants mais dès le début de la pièce on comprend assez rapidement que les heures à suivre vont être compliquées… Dans leurs échanges les acteurs ne semblent pas comprendre ce qu’ils disent ni ce qu’ils sont en train de jouer comme s’ils étaient pris dans un récit conventionnel et convenu de leur texte. La prestation de Vincent Guédon (que l’on avait notamment remarqué dans la mise en scène de Dom Juan par Jean-François Sivadier) en roi qui s’engouffre dans la folie arrive quelque peu à tirer les autres acteurs mais cela est loin d’être suffisant.

La Princesse Maleine © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

La scénographie trouve, elle aussi, rapidement ses limites. Au début de la pièce, des blocs de glace sont disposés sur la table du banquet ayant lieu pour les fiançailles. Voir ces blocs fondre dans la tiédeur de la nuit avignonnaise pourrait avoir une symbolique intéressante s’ils ne servaient pas seulement de décors simplement posés là et qui finissent rapidement au sol sans que l’on ait compris leur intérêt (si ce n’est de servir de handicap à un comédien qui essaie de faire en sorte que le glaçon ne tombe pas de la table parce que ce ne doit pas encore être le bon moment).
L’utilisation de la vidéo est souvent assez glissante si celle-ci ne rentre pas en résonnance avec le propos. Ici, les images sont plutôt de l’ordre de l’illustration et ne trouvent pas réellement leur place. Quand on parle de la ville brûlée… il y a du feu ; la mer au loin… vidéo d’une étendue d’eau ; on évoque une forêt… une forêt apparait. Tout cela relève plutôt de l’illustratif à l’esthétisme basique et n’apportant que peu de matière.

Dans cette mise en scène très fidèle au texte, le côté grotesque n’arrive pas à prendre et se transforme en humour dont on peine à sourire. Par exemple, quand le fou jette un seau d’eau au jeune couple près du bassin, entendre les répliques, « Oh, c’est le jet d’eau » puis « Je suis tout mouillé », frisent le ridicule par son aspect dramatico-comique. Si Kirsch voulaient mettre en avant des personnages féroces, la décadence ou la fin de l’illusion, il va encore falloir du travail pour que le spectateur puisse se plonger dans un imaginaire.

N’arrivant pas à faire sens et frisant quasiment le ringard, on reste donc assez dubitatif quant à la programmation de cette princesse sans panache durant le Festival d’Avignon.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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