C’est comme ça qu’on freine.
L’industrie photographique érotique produit généralement des fantasmes résiduels et ses plus belles victimes tournent en rond avant de se dénuder : elles bavardent, se promènent entre les projecteurs, caressent affectueusement l’intimité d’une partenaire, plaisantent. C’est souvent à ce moment là que Crina Prida les saisit. De chorégraphies préparatoires, de l’ironie de l’inachèvement l’artiste fait son miel. Dans un second temps elle transforme la dépouille générique du corps vu sur des millions d’écrans en des jeux de miroirs. L’homme qui croit voir ce qu’il attend se trouve pris au piège : il croit pourvoir regarder et soudain c’est un regard qui lui fait face.
Le sexe se « dérobant » s’arme jusqu’aux dents et fait à place un visage : le voyeur est renvoyé à lui-même et à sa misère. Avec Crina Prida les postures en apparence naturelles sont truffées d’anamorphoses ou de désillusions. Les femmes échappent à la saturation qu’on veut leur faire jouer. Saisies par une autre femme celle-ci fait de l’homme l’otage du leurre et non des conventions mécaniques (par lesquelles d’ailleurs tout s’annule). Cacher ce qui est attendu muscle la zone « périnéenne » d’une addition centrifuge. Elle élimine l’addiction primaire. Ou pour le moins lui met un sacré frein. Là où est attendu des détails d’un certain « œil » se distingue en lieu et place un autre plus imprévu. Et c’est – si l’on peut dire – jouissif même si pour certains il y a là source d’amertume puisque surgit une forme de déni dans l’ »arrondissement » réservé au voir. Il fait place à un vide qui renvoie ironiquement au sens du « vide » latin : « vois ». Tel est pris qui croyait sinon prendre du moins « mater ».