Il est le forgeron des temps modernes, cet homme qui maîtrise la matière impossible, froide et rigide pour la soumettre à sa plus belle imagination.
Comment en êtes-vous venu à la ferronnerie ?
Très jeune, j’ai commencé à fabriquer des choses avec mes mains, c’était important pour moi. J’ai eu le virus à l’âge de treize ans, je crois avoir été fasciné par la vision d’un arc électrique qui avait la capacité de faire fondre du métal pour l’assembler. Cela me laissait entrevoir des jeux de constructions infinis, je me suis même acheté un poste à souder !
Pensez-vous qu’il y ait un transfert de savoir-faire au travers des âges ?
J’ai la conviction qu’il faut connaître le travail de nos aînés avant tout afin de pouvoir s’adapter et avoir une évolution digne de ce nom. La pédagogie est importante dans nos métiers d’artisans, je suis très attaché à la transmission. Le véritable apprentissage se fait en condition, sur le terrain. À l’école, on peut apprendre à faire une belle soudure mais l’on n’apprend pas à bien choisir l’acier, à répondre aux attentes d’un client ou encore à trouver sa propre forme de liberté en tenant compte des contraintes. C’est en faisant que l’on apprend. L’apprentissage de la vie avant tout.
Est-ce qu’il y a de la noblesse dans votre métier ?
L’acier n’est pas considéré comme un matériau noble mais il offre des capacités multiples telles que le pliage, le coupage, le modelage, l’assemblage, la torsade et bien d’autres. L’acier est comme une pâte à modeler. On le pense froid et résistant mais il est malléable à souhait. La particularité de mon métier serait sans doute de travailler dans des conditions extrêmes, en chauffant des objets à plus de mille degrés, en étant proche de la matière. Les outils utilisés comme le marteau, l’enclume, la griffe ou l’étampe sont inchangés depuis des centaines d’années.
Comment réalisez-vous un projet ?
Tout d’abord je suis à l’écoute du client, de ses envies et exigences. Ensuite, je dessine et retravaille avec lui avant de lancer la fabrication et la pose. Le dessin me permet de cadrer la réalisation face aux attentes mais j’aimerais parfois me laisser emporter par la lutte à mener face à cette matière en la travaillant au gré d’une pulsion ou d’une inspiration plus abstraite. C’est la dualité de ce métier, d’un côté le commerçant qui répond à la demande d’un client et de l’autre côté la pulsion artistique qu’il faut avoir pour créer ces escaliers, ces portails, ces portes, ces fontaines, ces bancs, ces meubles… Cela doit être le lot de tous les artisans. C’est passionnant, il n’y a aucune limite si ce n’est celle de l’imagination.
© Photographie : Éric Mignogna