Gilles Nicoulaud

Exposition « Gilles Nicoulaud, peintures » jusqu’au 24 décembre 2016. Galerie Ruffieux-Bril, Chambéry.

Dans son atelier niché sous les mansardes, il prend le recul physique et mental. Il cherche à se surprendre, à se mettre en danger et suscite notre intérêt en marchant sur ce fil entre réalité subjective et intimité de l’impression.

Comment qualifiez-vous l’évolution de votre travail au fil des années ?

En 2005, j’ai trouvé que le sujet ne me suffisait plus. Je l’ai donc abandonné au profit de la recherche de la forme et de la couleur. La mise en composition des formes colorées, dans une harmonie générale, avec un travail sur la matière grâce à de la stratification, du grattage, du réemploi de morceaux de palettes broyés en poudre… Lorsque l’on voit un paysage et une composition abstraite, cela peut paraître très différent mais ce n’est pas le cas en réalité. C’est la ligne très fine et inconfortable sur laquelle je travaille. L’inconfort de la recherche est essentiel pour la création, c’est ce qui la rend forte et en lien avec le monde.

En abandonnant le sujet, quel est le moteur de création d’une toile ?

J’ai toujours un point de départ, un embryon d’idée. C’est une impression que j’ai en mémoire, cela ne vient pas du néant. Je me laisse guider par mes émotions, je fais mon tableau au fur et à mesure, la toile est toujours en gestation et en construction. Dès qu’une forme est posée, elle en appelle une autre, c’est une sorte de damier, de puzzle. Cela peut être plus ou moins long, mais je travaille le tableau jusqu’à ce que j’arrive à mettre sur la toile l’impression ressentie. Le plus difficile est de savoir s’arrêter. On a toujours tendance à en rajouter un peu trop, à vouloir continuer. Il est difficile de sentir le moment où la toile est terminée ; avec la maturité on apprend un peu mieux à savoir s’arrêter. C’est une question de dosage. On sent quand la toile commence à devenir un peu lourde, quand elle est trop travaillée par la matière.

Gilles Nicoulaud, Paysage cévenol. Huile sur toile, 46 x 61 cm.

Est-ce que vous êtes à la recherche de la beauté ?

La beauté est une recherche, elle existe dans la nature ; il faut savoir la trouver, c’est une quête inlassable. Que trouve-t-on de beau dans la nature ? Pourquoi pense-t-on que c’est beau ? Est-ce une histoire de proportion, de couleur, de forme, de situation géographique ?

Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. Chacun peut se faire librement une idée de ce qu’il trouve beau. C’est très variable d’une personne à l’autre. Il en va de même pour la peinture. Un tableau qui paraît beau à une personne peut n’avoir aucune signification pour une autre. L’art n’est pas égal à la nature, il y a beaucoup de grands artistes qui ont dit que l’art était en-dessous de la nature. C’est une autre forme qui vient en complément de la nature. J’aime l’idée que l’art soit pris dans la nature, en rapport avec elle. J’aime qu’un tableau soit à sa place quelque part dans la nature ou dans un lieu qui lui convienne ; on sent que ça fonctionne, qu’il y a du répondant. Le but, c’est le plaisir et le bien-être.

Est-ce que ces structures et ces constructions ne vous donnent pas le sentiment d’être enfermé ?

Non, justement, je place la construction d’abord et après je cherche à y échapper. Je ne veux pas un cadre trop rigide. Je veux échapper à la rigidité de la construction ; en peignant on voit que les formes s’adoucissent, s’arrondissent, se simplifient, bougent entre elles, basculent, disparaissent, se reconstruisent. Ce qui fait que le tableau devient une chose vivante et en même temps évolutive, c’est qu’il n’y a rien de figé ni de définitivement stable.

Image à la Une © Gilles Nicoulaud, Composition-paysage. Huile sur toile, 54 x 65 cm.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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