Memories of Sarajevo . Dans les ruines d’Athènes

L’Europe comme enjeu d’une génération.

Durant la 71ème édition du Festival d’Avignon, Le Birgit Ensemble propose deux créations Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes. Deux volets qui concluent une tétralogie, Europe mon amour, interrogeant la mémoire collective et individuelle.

Qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Est-ce que l’on se sent encore européens ? Est-ce une idée prégnante chez les citoyens ? Les deux créations du Birgit Ensemble ne donnent pas les réponses mais transmettent l’histoire par le biais du théâtre. Le regard d’une génération est donné et il trouve une résonnance étrangement actuelle comme si les peuples répétaient inéluctablement ce qu’ils ne semblent pas retenir du passé.

Memories of Sarajevo.

Memories of Sarajevo s’ouvre par une ronde des chefs d’état de l’Europe entonnant l’Hymne à la joie et célébrant la ratification du traité de Maastricht en 1992 qui doit donner des « bases solides pour un architecture future ». Un personnage inattendu et revenu d’entre les morts, François-Ferdinand Archiduc d’Autriche, s’invite à la fête et questionne les dirigeants sur leur projet d’union. Aucun d’entre eux ne sait clairement répondre, ce qui renvoie avec humour à ces fameuses bases solides et communes qui ne semblent pas être les mêmes pour chacun.

Memories of Sarajevo © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Le cas de la Bosnie-Herzégovine est alors posé. Dans les feuilles de salle, chacun avait un feuillet de couleur reflétant le multiculturalisme de ce pays : jaune pour les musulmans, bleu pour les chrétiens serbes et rouge pour les croates. De manière assez didactique, le public participe alors à ce rappel historique. Suivra alors la mise en place des différents acteurs politiques de ce conflit comme Karadžić, Milošević ou encore Owen.
Petit à petit, on avance dans cette guerre plutôt qualifiée de crise humanitaire par les médias quand celle-ci était en train de s’enliser. On alterne entre les réunions des dirigeants pour retrouver une paix durable et la vie quotidienne des citoyens. Cela met en avant la déconnexion entre ceux qui essaient de trouver un compromis et ceux qui ont le sentiment d’être abandonnés.
La figure mythologique d’Europe est elle aussi convoquée, comme pour mieux rappeler les racines de la démocratie qui peut-être mise à mal si l’on n’y prête pas garde.

Le traitement de ce sujet est intéressant et connait de réels moments d’émotions passant par la musicalité, notamment quand les Sarajeviens entament un chant alors qu’ils sont pris dans le viseur des snipers ou, quand Europe reprend a cappella Smells Like Teen Spirit dans un instant qui rappelle le massacre du marché de Srebrenica (même s’ils essayent de se relever, les corps tombent un à un et sont alignés par un soldat des casques bleus).

Dans Memories of Sarajevo, on regrette simplement la longueur où le propos tend à s’étirer perdant ainsi un peu de sa force. Aujourd’hui, les frontières de l’Union ont été repoussées mais les guerres sont toujours aux portes de l’Europe.

Dans les ruines d’Athènes.

L’autre création du Birgit Ensemble, Dans les ruines d’Athènes interroge quant à elle le cas de la crise grecque.

Dans les ruines d’Athènes © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Calypso et Hyppolite sont les deux présentateurs d’une émission de téléréalité, Parthénon story, dans laquelle six candidats (Cassandre, Médée, Ulysse, Antigone, Iphigénie et Oreste) pourront effacer leurs dettes personnelles s’ils remportent le jeu. Cette émission prise comme métaphore de la Grèce et de son rapport à l’Union Européenne trouve assez rapidement ses limites et s’épuise dans le procédé.

La convocation de figures mythologiques (dont Europe), et l’alternance avec des réunions de crise entre les dirigeants de l’Europe (dont Nicolas Sarkozy ou Angela Merkel) et le FMI, ne parviennent pas à donner un élan à la pièce malgré des moments très drôles dans la caricature des chefs d’état. Le côté quelque peu moralisateur de la fin de ce spectacle – « L’Europe, nouvelle Olympe dans laquelle il y a des petits dieux auxquels les peuples se soumettent », notamment – n’arrive pas à nous convaincre que c’est au citoyen de rester maitre de ses choix.

Il est à noter que les deux pièces sont à (re)voir sur Culturebox dès à présent.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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