Ibsen huis

La maison infernale.

Programmé pour la première fois au Festival d’Avignon, Simon Stone propose un Ibsen huis qui aspire le public dans une maison infernale. Dans cette mise en scène conçue à partir de différents textes d’Ibsen, dramaturge norvégien, nous sommes propulsés dans une intrigue familiale où les secrets empoisonnent la vie des gens.

Depuis quelques années, l’australien Simon Stone creuse son sillon sur les scènes européennes. Aimant travailler des pièces de répertoire, il s’était déjà emparé d’un texte d’Ibsen, le Canard sauvage, qui fut remarqué lors du Holland Festival en 2013. Artiste associé à l’Odéon, la présentation de Medea, une réécriture très contemporaine du mythe, en juin dernier a rencontré un franc succès auprès du public. Ibsen huis s’inscrit également dans sa veine.

Ibsen huis © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Dans une maison à l’ossature en bois et aux grandes baies vitrées, Simon Stone a précipité différents matériaux issus des textes d’Ibsen pour donner vie à des personnages comme pris au piège dans un espace où l’on joue à la fois sur la transparence et sur l’opacité des éléments et sentiments. Plus qu’un décor, cette maison est un protagoniste à part entière pouvant être considéré comme une sorte d’espace mental où le destin d’une famille est pris dans une spirale infernale. Cette spirale est de plusieurs ordres. La force de Stone réside dans le fait d’emmener le public dans un va-et-vient entre les époques (allant des années 60 à nos jours) sans que l’attention ne se relâche. C’est une concentration de tous les instants qui est demandée au public pour suivre une intrigue qui se recompose au fil du temps ; intrigue qui est d’autant plus complexe car les acteurs interprètent tour à tour plusieurs rôles chacun.

Durant quelques heures, la magie du théâtre opère en créant un endroit de partage entre les interprètes et les spectateurs. Dans cette mise en scène, tout fonctionne à merveille durant la représentation, le temps glisse au gré de l’excellence des comédiens néerlandais du Toneelgroep Amsterdam. À travers un réalisme en constante tension dramatique, ils portent des sujets difficiles à aborder comme la pédophilie ou l’infanticide par exemple.

Cees, le père est un architecte de renom. Il est à l’origine de la construction de la maison qu’il voulait comme un lieu d’amour, de liberté et de bonheur pour sa famille. C’est en fait tout le contraire qui se passera et l’on est horrifié de comprendre toute la monstruosité des actes qui ont été perpétrés dans ce lieu. En effet, chez les Kerkman, il y a des secrets, des non-dits, des mensonges et des traumatismes dont les uns et les autres ne trouveront une délivrance que par la mort. Le découpage de la pièce en trois actes le paradis, le purgatoire et l’enfer, est le reflet de ces existences brisées. La maison tourne encore et encore sur elle-même entrainant dans son terrible tourbillon les funestes destins de la famille.

On ressort d’Ibsen huis comme hanté par ces âmes qui nous permettent de pousser notre propre réflexion sur ce qui peut gangréner des vies au fil du temps.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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