Can we dance… again ?

Can we danse... again

Comme pour toute chose aujourd’hui, nous regardons le passé pour fabriquer le futur… Ce samedi soir, c’était à Bonlieu que ça se passait.

La soirée débute avec une conférence de Jean Claude Gallotta, chorégraphe à la renommée indiscutable. L’occasion de retracer son parcours jalonné d’insolence à la scène depuis 1979. La journaliste de Libération, Marie Christine Vernay adopte une attitude nonchalante pouvant laisser entrevoir une autosatisfaction plutôt désagréable. Ce mépris très parisien envers les provinciaux que nous sommes vient peut être de notre besoin de revisiter cette tranche de l’histoire contemporaine qu’elle semble connaître par cœur pour l’avoir vécue, elle, au moins.
La conférence est jalonnée par des extraits de créations originales de la Compagnie Emile Dubois, signées par la suite par Jean Claude Gallotta en son nom. Les extraits vidéos sont trop courts, à peine le temps de situer les protagonistes et l’action emmenée sur la musique. La proximité avec les intervenants qu’offre la nouvelle salle de création de Bonlieu est intéressante mais Marie Christine Verney s’écoute parler et malgré les efforts de Jean Claude Gallotta la discussion qu’ils ont tous les deux nous exclue de leur petit jeu.

Le parcours personnel de Jean Claude Gallotta – qui en profite pour nous révéler l’origine du nom de son collectif, hommage à Marcel Duchamp – s’inscrit dans la lignée du bouleversement que connait la scène à cette époque, le traitement du nu, le jeu avec des enfants, la performance, la transversalité des arts, la naissance de la danse contemporaine comme irrévérence à la danse classique… Retour sur l’histoire somme toute très instructif qui pose une question, le nu, l’enfant, la transversalité dans les années 80, oui… mais aujourd’hui ? Peut-on être précurseur de quelque chose ? Si oui, de quoi? Si non, que faire ? Comment ne pas être consensuel ? Ne pas créer de la petite histoire qui ne se dépassera pas elle-même ? Comment atteindre la grande Histoire et s’approcher de l’universel sans réchauffer les outils utilisés par cette génération de créateurs aujourd’hui institutionnalisée ?

Deux heures plus tard un verre nous est offert, on commence à sentir une vibration étrange dans les murs du théâtre. DJ, petit plateau de télévision, écrans diffusants  des vidéos psychédéliques réalisées par le collectif FRIGO dans les années 80, rouge ou jus d’orange pour attendre, pendant plus de trente minutes, les vérine de graines de je ne sais quoi enrobées d’un coulis vert décorées de fleurs à déguster. Une petite dizaine de minutes plus tard le bar installé dans le déambulatoire pour l’occasion est vidé et nettoyé pour faire place à des bouteilles de tequila et de Schweppes tonic.

Can we danse... again ?

Can we dance… again ?

Teq’ Paf à volonté pour tout le monde avant la réouverture des portes de la salle de création, enfumée pour l’occasion, DJ, bière à 2€, écran géant…
Bonlieu Scène Nationale a encore une fois déployé les grands moyens pour nous offrir une soirée hors du commun. Du jamais vu dans un théâtre français, même les soirées branchées du festival In d’Avignon peuvent aller se coucher. Petit moment d’histoire, on se cultive ; pause gustative, on découvre et prend soin de nous avant de boire et de danser dans ce qui est donc assurément devenu la meilleure boîte de nuit de la région !

Le rôle de la scène nationale prend alors tout son sens. Bonlieu redore l’image poussiéreuse et intimidante de ces institutions en offrant une soirée de rencontre avec des figures phares de l’histoire contemporaine de l’art français tout en restant connecté à la société d’aujourd’hui.
Il ne reste plus qu’à faire connaître cette politique d’ouverture remarquable qui est mise en œuvre par l’équipe du théâtre. Que personne n’ai peur de pousser la porte du bâtiment, elle est ouverte et est bel et bien là pour créer du lien social et nous entretenir comme des êtres pensants. Oui, Bonlieu joue un rôle majeur dans l’équilibre du sillon alpin français et pour tout ça, mille fois merci.

Antoine Guillot

Auteur / Metteur en scène / Comédien / La Compagnie Caravelle

1 Comment

Leave a Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.