Danse de nuit

Un espace où vous êtes libres de penser.

Dans sa création présentée pour la première fois à La Bâtie – Festival de Genève, Boris Charmatz frappe au cœur des émotions en proposant une expérience immersive et collective dans l’espace urbain.

Un espace urbain.

Boris Charmatz est habitué à s’installer des espaces qui ne sont a priori pas destinés à la représentation scénique comme lorsqu’il s’installe au milieu d’un terrain de foot à Lausanne, au MoMa de New York (Musée de la danse : Three Collective Gestures, 2013) ou à la Tate Modern de Londres (If Tate Modern was Musée de la danse ?, 2015) avec des propositions en constante connexion avec le monde. Pour Danse de nuit, le chorégraphe investit l’espace urbain dans la continuité de cette volonté d’abolir les frontières avec la danse et la performance artistique.

À l’écart du centre ville, dans une zone à caractère industriel, le public attend, dans la nuit. Quelques personnes conseillent à la foule de se disperser, à ne pas former un cercle. Ces personnes, ce sont les danseurs qui vont commencer par raconter des bribes d’histoires, dispersés sur ce coin de bitume devenant leur espace de jeu. Les spectateurs se laissent entrainer par l’un ou l’autre, commencent à circuler pour percevoir ce qu’il est en train de se passer. Ils sont acteurs actifs de la chorégraphie comme pris dans une ronde de nuit, avec les bruits de la rue alentour, à l’écart de la lumière.

Un espace mental et corporel.

Progressivement, les danseurs font corps, leurs voix ne font plus qu’une. Les paroles sont fortes, brutes, ce sont celles de l’urgence, de l’immédiateté, avec pourtant tout le recul nécessaire devant être pris, celui de l’après Charlie, premier traumatisme collectif, à jamais gravé dans les esprits comme un jalon qui a changé la perception de notre rapport au monde. Au fil de la chorégraphie, les corps tentent d’articuler cet « état d’urgence » dans lequel nous vivons au travers du besoin de prendre la parole, de réinvestir l’espace public confisqué par l’État.

Au travers de ce groupe de six danseurs aux personnalités singulières, on s’interroge également sur la place de l’individu dans le collectif, sur la question de l’anonymat dans une société de surveillance, avec toutes les contradictions que cela peut soulever. « Sortez de cet espace. Libérez mon cerveau. […] Dormir. Réfléchir. Dormir. Réfléchir. ». Dans ce flot de mots et de gestes, la danse urbaine se confronte à la réalité.

Avec Danse de nuit, Boris Charmatz donne une autre dimension à la danse au travers de cette performance millimétrée qui marque par son engagement sociétal fort comme une nouvelle prise de conscience nécessaire.

Photographie à la Une © Herman Sorgeloos.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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