De Meiden

Des bonnes ternes.

L’artiste britannique Katie Mitchell transpose Les Bonnes de Jean Genet dans un appartement bourgeois d’Amsterdam. De Meiden révèlent des bonnes actuelles mais ternes malgré l’excellence des acteurs du Toneelgroep Amsterdam.

Écrite en 1947, la pièce de Jean Genet fait écho à un célèbre fait divers français, celui des sœurs Papin qui assassinèrent leurs patronnes dans d’horribles circonstances après plusieurs années passées à leur service. Cette affaire inspira également Claude Chabrol pour son film La Cérémonie avec Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire.

Dans De Meiden, deux sœurs, d’origine polonaise, Claire et Solange sont au service de Madame et Monsieur qui transparaissent comme un couple relativement aisé. La pièce se déroule dans leur appartement et plus précisément dans la chambre aux couleurs neutres de Madame. D’un côté, il y a une penderie avec toutes les robes, bijoux et chaussures de Madame, et de l’autre un couloir d’où Madame pourrait surgir à tout instant. Les deux sœurs éprouvent autant de haine que de jalousie envers leur patronne qui est autoritaire, violente et méprisante envers elles. Pour s’extraire de leur condition, elles projettent de tuer Madame et mettent en place une cérémonie où Solange joue le rôle de Claire et Claire le rôle de Madame comme pour répéter encore et encore le crime qu’elles s’apprêtent à commettre. Elles pensent avoir tout préparé en ayant réussi à faire arrêter Monsieur par le biais d’une lettre de dénonciation mais celui-ci a été relâché… Quand Madame rentre, leur machination ne pourra pas se mettre en place car leur patronne ne boira pas la camomille aux somnifères préférant aller boire du champagne pour fêter la libération de son mari. Le fantasme de leur folie meurtrière s’achèvera par la mort tragique de Claire dans les bras de sa sœur.

De Meiden © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Dans un entretien réalisé par Marion Canelas, Katie Mitchell dit que « la féministe en moi se refusait à raconter l’histoire d’une femme opprimant d’autres femmes » mais c’est pourtant bel et bien ce questionnement central qui est porté sur scène. Si l’on considère d’autres visions comme le fait, pour une femme, de porter de belles tenues, d’être bien maquillée pour se montrer en société, de prendre le parti de faire jouer le rôle de Madame par un travesti, la volonté de l’artiste de vouloir interroger le genre ou l’identité apparait en filigrane mais ne s’affirme pas assez pour que ces propos prennent une réelle ampleur. On s’interroge aussi sur la décomposition lente des mouvements sur plusieurs temps du spectacle car ceux-ci ne semblent pas faire écho (par la présence de Madame sur un temps) à la temporalité entre les sœurs qui minutaient chacune de leur cérémonie pour ne pas se faire surprendre par leur employeur.

Dans De Meiden, on en revient donc au propos initial de la pièce de Genet avec une analyse sociale de la lutte des classes ayant bien entendu évoluée avec son temps. Dans le contexte de l’après-guerre, les propos de Genet relevaient d’un courant de pensées marxistes où les combats étaient à mener dans la société française. Aujourd’hui, la transposition européenne voire internationale de la condition des travailleurs émigrés apparait comme relativement évidente et mérite d’être soulignée. Mais, cette mise en scène reste presque trop sage et trop lisse pour être percutante malgré l’excellence de l’interprétation des acteurs, notamment celle du brillant Thomas Cammaert dans le rôle de Madame.

Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

2 Comments

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    Répondre juillet 24, 2017

    Jean-Paul Gavard-Perret

    SUPERBE ARTICLE

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    Répondre août 18, 2017

    dj Avignon

    C’est une excellente pièce à la fois captivante et intemporelle. Merci pour ce partage.

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