Fenêtre sur cour

La dernière image ou la suicidée de la société.

Poèmes de Marion Schaller aux Éditions Samizdat (84 pages, 24€).

Tout acte de création est un acte de résistance. Mais un acte ne peut réussir que s’il possède en premier lieu la force de sortir sa créatrice du trou où elle est tombée. Quand celui-ci se nomme schizophrénie la remontée est-elle possible ? Marion Schaller a écrit en cet espoir sa « fenêtre sur cour » qui donnait sur le jardin intérieur de l’hôpital psychiatrique où elle était soignée.

Sa poésie se voulait une machine à remonter le temps afin de récupérer la chose la plus rare et la plus mystérieuse qui soit : l’identité perdue. Elle fait tout dans ces textes pour saisir en dehors d’elle-même une forme d’objectivité plutôt que d’émotion afin d’ouvrir mille trajets sur un nouvel espace qui permettrait de retrouver le « je » perdu au sein de profondeurs insondables et leurs poches d’ombres.

Mais au fond de qui? Au fond de quoi? La double question ne pouvait déjà plus avoir de réponse. Certes la créatrice ose parfois un « je suis bien dans ma peau » : il est aussitôt nié par le contexte général (p. 86). Le mouvement  vers le néant demeura en marche, « cascando » (Beckett). C’est comme si déjà les yeux de la poétesse se fermaient déjà et que son être était poussé à abandonner la partie.

Les « images d’assistance » dont parle l’auteure ne purent les trouver. Le « mal dévastateur » progresse au moment où elle rêve encore de « voler dans la galaxie ». Mais les mots ne sont plus des entités sonores capables de dessiner les contours  d’un être recomposable et « assermentable » à ce qu’il fut.

La poésie ne créa pas « du » sujet mais d’une certaine manière l’ôta. Le silence « de mort » rodait déjà. Si bien que lorsque tout, dans l’œuvre, semble un appel à un devenir, s’érige, à l’inverse, la verticalité incisive de cette musique du silence sans fond. L’auteur aura donc écrit (comme elle chanta) pour retrouver sa voix. Mais tout se passa comme si cette voix n’était plus la sienne. Elle ne put en survivre.

Image à la Une © Éditions Samizdat.

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