BélO est un des artistes haïtiens les plus populaires dans son pays. Lauréat en 2006 du prix RFI Découverte en 2006, il poursuit depuis la sortie de son premier album Lakou trankil en 2005 une riche carrière, donnant des concerts partout dans le monde et notamment dans les Caraïbes et en Afrique. Il s’est produit aux Francofolies de Montréal le 17 juin dernier devant un public enthousiaste, partageant avec bonheur un répertoire métissé.
Depuis combien de temps fais-tu de la musique ?
Depuis la naissance ! Mais professionnellement, ça fait dix ans. J’ai sorti quatre albums jusqu’à présent. [Le dernier, Natif natal, est sorti en 2014, ndlr.]
Je suis très contente de voir un artiste haïtien programmé aux Francofolies parce que c’est difficile de vous entendre en France. Par contre, tu es très populaire en Haïti. Fais-tu parti des meilleurs musiciens là-bas ?
Je suis l’un des chanceux. Haïti est un pays où il y a beaucoup de talents mais très peu d’encadrement. Quand tu sors du lot, tu ne peux pas prétendre être le meilleur : il y a juste eu un coup de chance, une opportunité que tu as pu saisir.
Sinon, Haïti est un pays essentiellement culturel. On a beaucoup d’artistes dans toutes les disciplines, que ce soit la danse, la sculpture, la peinture, la littérature ou la musique.
Tu définis ta musique comme de la fusion, le mélange de plusieurs styles. Pourquoi ?
Je fais une musique à l’image de mon pays. On est avant tout haïtiens, mais on est aussi africains d’origine, on est situés dans les Amériques, voisins avec les latinos et on a été colonisés par la France. Ça laisse des héritages culturels. On est aussi très influencés par l’Amérique du Nord, les États-Unis et on est à une heure et demie de Miami. Donc tout ça — notre histoire, notre position géographique — fait qu’en Haïti, on écoute de tout. Moi, je me base sur la musique traditionnelle et je mets autour toutes les musiques que j’écoute.
Tu chantes essentiellement en créole. C’est un choix politique ?
La première mission de ma musique, c’est d’éduquer. Je suis très engagé. Pour moi, c’est important que le message arrive vers la population haïtienne avant tout. Pour le reste du monde, si la musique est bonne, ça va traverser. L’émotion peut passer d’une nation à une autre, d’une langue à une autre, mais pour moi, c’est important de continuer à faire ce travail d’éducation.
Penses-tu faire des chansons en français un jour ?
Pourquoi pas ! Je suis francophone et je suis ambassadeur de la francophonie en Haïti.
Comment as-tu appris la musique ?
J’ai tout appris en écoutant. Même la guitare, je l’ai apprise en autodidacte.
Est-ce que tu as un message à faire passer à nos lecteurs français ?
J’ai plusieurs messages pour les Français ! Il vient de se passer quelque chose d’historique entre Haïti et la France. On a reçu il y a quelques semaines le président français. C’est la seule fois, hormis celle où le président Nicolas Sarkosy a visité Haïti, mais c’était plus dans un cadre humanitaire suite au tremblement de terre. De manière diplomatique, c’est la première fois. Je sais qu’entre Haïti et la France, il y a une longue histoire et il y a encore de la haine, mais la visite de M. François Hollande, c’est une façon de dire qu’on est en 2015 maintenant, donc ce n’est pas la peine de traîner derrière nous les bêtises qu’on fait des gens il y a plus de deux cents ans. Peut-être que tous les Haïtiens ne seront pas d’accord avec moi, mais ma position, c’est qu’on vit maintenant dans un village où il ne faut pas trois mois en bateau pour arriver en Haïti. Le monde est vraiment un village, l’espérance de vie augmente. Donc allons profiter de la beauté du monde, allons profiter du soleil d’Haïti ou de la neige de la France, allons profiter de toutes les possibilités que nous offre cette planète pour vivre en tant qu’humains avant tout.
Privilégier l’échange ?
Oui, c’est important.
BélO – Vann Dlo