L’art vu du Fort.
Après des études en arts plastiques et en histoire de l’art à Lyon, puis deux ans à la DRAC de Rhône-Alpes, François Deneulin a travaillé dans le milieu industriel avant de rencontrer la danse. Grand collectionneur, il entasse des tableaux et autres objets pendant des années avant d’ouvrir sa galerie à Barraux en 2009, tout en restant codirecteur artistique, avec Annabelle Bonnéry, de la compagnie de danse contemporaine Lanabel. Les choix artistiques du galeriste restent fidèles au caractère pluridimensionnel de sa vie. Il permet par exemple de découvrir, dans une de ses plus récentes expositions, Marie Duchesne. Dans le cadre de son travail au sein de la compagnie Lanabel, François Deneulin recherchait des assiettes pour le spectacle Exquises présenté au Théâtre National de Chaillot. Marie Duchesne en a créé quatre-vingt en émaux bleus et le galeriste a été sensible à l’approche scientifique, empirique et esthétique de la céramiste. Il propose un ensemble d’émaux produits à partir de cendres des foins de la Chartreuse, de châtaigniers et de vignes.
Dans une optique différente, le galeriste expose un artiste majeur, Antonio Virduzzo. Le peintre italo-américain, né à New York en 1926, est mort à Rome en 1982. Partant d’une géométrie du paysage, il s’était orienté vers l’abstraction, elle-même géométrique, jusqu’à aller vers son éclatement et une atomisation totale annonciatrice de l’Op Art. Il utilisa pour cette déflagration picturale diverses techniques : collages, lithographies et sculptures qui deviennent monumentales. L’artiste a participé à plus de neuf cents expositions personnelles ou collectives tout au long de sa carrière. Ces deux exemples illustrent combien le galeriste ne cesse d’élargir le champ des découvertes en proposant d’autres images plus essentielles, naïves ou complexes. Surgissent du Fort de Barraux de continuelles expérimentations. Il ne s’agit pas de proposer des chimères mais de permettre plus pour la vision de ce que Beckett a écrit dans son ultime texte : « voir – entrevoir – croire entrevoir – vouloir croire entrevoir – folie que de vouloir croire entrevoir quoi où – là – là-bas – à peine. » Cette folie, François Deneulin la caresse, la propose et la prolonge.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves ne sont pas très loin, juste là, près de moi. En principe – ou par principe –, je ne me retourne pas, préférant vivre le présent et projeter le futur.
À quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à devenir un grand chanteur ou musicien et plus globalement à être artiste dans ce monde. Il faut beaucoup de prétention pour être artiste aujourd’hui, avant aussi sans doute ; il faut savoir se mettre soi-même en avant, plus que son travail. Ce jeu avec l’ego ne me convient pas, il est trop difficile à vivre.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je pense à une certaine forme de solitude. La dot est plutôt transmise par les parents mais je me suis construit grâce à une multitude de rencontres.
De mes parents, j’ai reçu une vision humaniste, chrétienne de gauche ; de mes rencontres adolescentes, une vision quelque peu anarchiste de la manière de vivre sa vie ; de mon parcours d’adulte, un grand désespoir non pas face à l’intelligence humaine mais face à sa capacité à ne pas être paresseux ; et de ma vie de père, une inquiétude sur ce que mes enfants vont devenir et sur l’héritage que nous leur laissons.
Qu’est-ce qui vous distinguerait des autres galeristes ?
Nous sommes à la fois tous différents et semblables dans nos différences. Ma différence serait peut-être d’avoir été dans la création depuis l’âge de seize ans et d’avoir vécu dans la chair la difficulté de tenir cette position.
Quels sont vos critères dans le choix des artistes ?
Tout part de la rencontre avec un travail, avec une personne, sa modestie et son parcours qui dénoteront une recherche à long terme.
Quelle est la première image qui vous a interpellé ?
Ma mère en train de dessiner. Il m’est toujours difficile de donner une référence car je ne fonctionne pas sur une accumulation de références mais sur des rencontres qui modifient un parcours de réflexion. Je ne garde donc que peu de choses en mémoire, préférant construire une forme d’instinct artificiel.
Image à la Une : Ruytchi Souzouki, page d’un carnet de dessin.
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