Geoffrey Secco

un univers de métissage et d’improvisation.

Alors qu’il commence tout juste à préparer le prochain festival de Jazz d’Aix-les-Bains, avec énormément de nouveautés… (Mais chut, cela doit rester encore un secret !) Geoffrey Secco a accepté de répondre aux questions de Carnet d’Art.

Il est d’usage à Carnet d’Art de vous proposer, pour débuter, deux citations à commenter, les voici.

« Pour moi le jazz c’est aussi une relation poétique avec le rythme. Il peut être rond, carré, de toutes formes, mais il assure le continuum de la narration. Il rebondit, il s’échappe sans qu’on puisse l’attraper, telle une truite au fil de l’eau. Les musiques qui n’offrent pas ces rebonds. . . m’intéressent moins. Quelles que soient leurs qualités esthétiques, elles ne portent pas les clefs de la vie qui court. »
Bernard Lubat

« À quoi bon fréquenter Platon, quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde ? »
Emil Michel Cioran

Deux idées, peut-être opposées, des mots importants : vos commentaires ?

D’abord, j’aime bien Lubat, il est un peu « réac », mais fier de son coin de France. Il est vrai que le Jazz, c’est une bonne façon de jouer avec le temps. On dit qu’on peut être « sur le temps » ou « au fond du temps » : comme dans la vie, le temps s’écoule, on peut être en retard ou à l’heure…Je crois que pour Cioran, cela renvoie à l’expérience sensorielle du saxophone, dans son rapport au souffle. On souffle ce que l’on est. Il s’agit là de parvenir à une philosophie personnelle.

Voici ce que vous avez répondu à une question sur votre biographie :

« Je m’appelle Geoffrey Secco, j’ai 32 ans. J’ai commencé la musique par un bel hasard : un emménagement à Aix-les-Bains, lors de mes 6 ans, dans une maison qui abritait un vieux piano à queue, que les anciens propriétaires n’avaient pas pu déloger…

J’ai commencé la musique ainsi, en autodidacte. Me voyant complètement passionné par cet instrument sur lequel je passais mes journées, mes parents m’ont proposé pour mes 8 ans de m’inscrire au conservatoire. Mais il n’y avait plus de place pour les cours de piano et j’ai alors été aiguillé d’office en saxophone ! C’est le coup de foudre et quelques années plus tard, le bac en poche (contre toute attente après les heures passées à travailler le sax !) je monte à la capitale réaliser mon rêve : devenir musicien professionnel ! Des études aux conservatoires de Paris, puis de Boston, les rencontres, les voyages, des concerts et des disques.»

Alors, vos commentaires ?

Rien n’a vraiment changé, j’aime toujours voyager, donner des concerts, sortir des disques et surtout, travailler en choisissant de le faire avec des personnes que j’aime.

Vous n’êtes pas un inconnu, il y a des jalons dans votre vie de musicien ; vous pouvez nous en donner quelques uns ?

A la base, je dois dire que j’ai eu la chance, quand j’ai commencé le saxo, au conservatoire d’Aix les Bains, d’avoir un professeur d’exception, un super saxophoniste : Jean-Michel Soudan. D’entrée, il m’a parlé de souffle, de concentration, de respiration et… avant ma première audition, il m’a dit : « ce que tu vas faire avant l’audition, c’est « jouer » ce qui va se passer : monter sur scène, saluer le public, déplier ton pupitre et… jouer ton morceau ». Donc tous les jours, j’ai répété et répété avant de me coucher. Et bien entendu, le jour de l’audition, je suis arrivé sans le trac et tout s’est bien passé. J’ai eu aussi, un autre professeur, Thierry Cazenave, plus homme de spectacle ; lui, m’a dit : « la partition, tu la jettes et tu fais un super solo ! »

la partition, tu la jettes et tu fais un super solo !

C’est ce que vous faites quand vous êtes en concert avec des artistes comme Patricia Kaas ou Charles Aznavour ?

Avec des artistes comme eux, l’important c’est d’être opérationnel au plus vite. Pour Cabaret le spectacle de Patricia Kaas, j’ai été pris en remplacement : on m’a dit qu’il fallait tout savoir par coeur, avec le DVD, on n’a pas le temps de faire des répétitions, tu as 15 jours…
Bon, j’ai tout repris : saxo, flute, clarinette et je suis entré en scène…

Si on vous demandait de choisir un mot pour définir votre activité : métier, passion… ?

C’est une alternance : certaines fois, j’ai l’impression d’aller « bosser » et gagner ma croûte, sans enthousiasme mais avec plaisir. Et puis, il y a la passion : composer avec mes copains ou faire un concert fantastique, comme le Stade de France avec Yannick Noah.

On dit souvent que le joueur de saxophone fait corps avec son instrument : cela implique-t-il des relations, des sensations, des vibrations particulières ?

Au bout du saxo, il y a une anche, en roseau et elle équipe le bec de l’instrument. Tout cela vibre dans la bouche, les dents et même le crâne devient une énorme caisse de résonance ; donc oui, on ressent des émotions particulières et cela procure beaucoup de joie. Je constate aussi que, contrairement à ce que l’on pense souvent, on envoie peu d’air quand on joue et il s’agit d’un travail très subtil de pression, de vibration avec l’ensemble du corps.

Vous préférez jouer seul ou en groupe, et pourquoi ?

En groupe, c’est certain, pour le partage et aussi l’émulation. Par exemple, quand le pianiste fait des « phrases » fantastiques, on a envie de lui répondre, de faire aussi bien : c’est presque une compétition.

En petite ou en grande formation ?

Ca dépend : si vous êtes 15 ou 20 sur scène, il se dégage une sorte d’énergie terrible, épuisante à terme, mais il y a moins de solos.

Ne faut-il être un peu égocentrique pour faire ce métier ?

Oh, c’est un peu comme dans la société : en orchestre, il y a des politesses, des rôles… On se parle, on se répond en musique. Mais en même temps, il faut parfois savoir s’imposer. Dans une formation, c’est un peu comme dans une entreprise.

Une question indiscrète peut-être, vous avez accompagné d’éminents artistes : Aznavour, Kaas, Noah, Obispo… Avec qui avez-vous préféré jouer ?

J’hésite… Vous avez cité des artistes très connus dans le domaine de la variété, mais j’ai aussi joué avec des jazzmen, sans doute moins célèbres, mais géniaux quand même ; je pense au cubain Ernesto Tito Puentes, 85 ans, sa trompette et son Big Band : c’est lui qui a apporté la salsa en France. C’est un leader, il a une façon exceptionnelle de diriger ; il sait faire passer tant de choses. Mais, d’autres ont des qualités : je me souviens de la préparation du concert du Stade de France avec Yannick Noah. D’abord, on a répété 15 jours en Belgique dans un décor qui reconstituait la scène du stade et, juste avant le concert, il nous a amené, tous, musiciens et techniciens au stade, vide, ouvert rien que pour nous et on s’est retrouvé là au milieu, en silence… Il menait son équipe, il nous coachait, il voulait nous donner les clefs pour la réussite. Ce fut une très belle expérience.

Y a-t-il une œuvre que vous aimeriez spécialement interpréter ?

Quand j’écoute des disques, des vinyles, ce sont souvent des morceaux anciens, avec un son propre qu’on ne refera plus avec le numérique qui est plus froid, je ne voudrais donc pas faire moins bien que l’original…

Vous préférez jouer de la musique écrite ou improvisée?

Les deux ; c’est d’ailleurs un des principes du jazz : on passe de thèmes écrits aux improvisations et vice-versa.

On se parle, on se répond en musique.

Lorsque vous êtes en répétitions, vous notez des changements dans votre comportement ?

Tout dépend de mon positionnement : si je suis leader, je dois diriger, donner des indications et des consignes claires ; si je suis musicien de pupitre, je dois suivre les indications du chef d’orchestre.

Il y a un aspect important et sympathique dans votre attitude : vous donnez régulièrement une chance à des jeunes ; peut-on dire que vous aimez transmettre et comment le faites-vous ?

Oui, tout à fait, c’est une partie de ma personnalité, je donne des cours dans différentes écoles, j’ai aussi participé à la création de l’école de musique DEVA à Aix-les-Bains et j’assure des « Master Classes » à l’occasion de certains concerts ou festivals. Pour moi, ce qui est important c’est de pouvoir motiver les gens ; je m’inspire de l’enseignement que j’ai reçu. Je crois qu’il faut l’appliquer à de nombreux domaines : donner les clefs du développement.

Enfin, vous produisez le Festival de Jazz d’Aix-les-Bains…

Ah oui, le retour aux racines… 2012 a été une bonne année et pour 2013…
Il y aura des surprises, des activités plus variées, mais chut, je garde ces belles surprises pour cet été.

Beaucoup de gens aiment le saxophone, pourquoi, selon vous ?

Il a un coté fantasmagorique, on peut dire qu’il y a un rapport charnel, presque sexuel avec cet instrument. On peut le rapprocher du violoncelle pour lequel les gens ressentent la même attirance ; ils ont la même tessiture et tous deux sont des instruments « sensuels ».

1 Comment

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    Répondre juin 12, 2015

    Duverneuil Michèle

    Le 11 juin 2015 : Geoffrey Secco en Concert intime avec le pianiste Pascal Perrier du Jazz Club de Grenoble.
    Extra !

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