Une conférence en demi-teinte.
Régulièrement présent au Festival d’Avignon, Guy Cassiers propose une analyse du langage fasciste dans Le sec et l’humide à travers un essai de Jonathan Littell écrit comme un texte de recherches préparatoires à son roman Les Bienveillantes qui remporta le Prix Goncourt en 2006. Le sec et l’humide relate les mémoires fictives d’un officier SS (Maximilien Aue) inspirés des écrits du leader d’extrême-droite belge Léon Degrelle.
Dans un décor assez sobre où sont disposés un magnétophone, un pupitre, un écran de télévision, une table et une chaise, un homme accueille le public en le remerciant d’être venu assisté à cette conférence qui va se dérouler suivant les différentes parties de l’essai de Littell. Le conférencier va dans un premier temps mettre au centre de sa démonstration La Campagne de Russie, récit autobiographique de Degrelle publié lors de son exil en Espagne en 1949, en citant des extraits de celui-ci. Il est ici question d’interroger la manière dont « le fascisme, pour se structurer, doit structurer le monde et le langage » pour s’avérer efficace.
En développant un champ lexical d’opposition, le sec / l’humide, le dur / le mou, le clair / le sombre, etc., deux axes se distinguent et donnent une vision duale du monde. Le sec représente le bon, la verticalité et une idée du pouvoir politique. L’humide est relatif au mal, à l’horizontalité et est donc trop inconsistant pour pouvoir exister. L’analyse présentée peut donc renvoyer directement à des éléments de langage largement utilisés et maniés par des personnes politiques de partis extrémistes aujourd’hui mais peu de clés de lecture sont données aux spectateurs afin que le propos prenne toute l’ampleur et la portée qu’il devrait.
En revanche, dans cette proposition de Guy Cassiers, le travail sur le son et l’esthétisme plastique de la vidéo se révèlent très intéressant. Utilisant la technique développée par l’IRCAM du voice follower qui consiste à mêler deux voix jusqu’à ce que la confusion se fasse entre elles. Ainsi dans Le sec et l’humide, la voix du conférencier et celle de Degrelle se mêle et l’on ne distingue plus qui, de l’un ou de l’autre est en train de s’exprimer. Cela dit, presque trop facilement, qu’un monstre sommeille en chacun de nous, comme de finir par « après moi le déluge ».
Photographie à la Une © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon.