X Minutes

Une perle rare.

Pour sa deuxième année au Festival d’Avignon, la Sélection Suisse a offert un cadeau au spectateur… Et quel cadeau ! Une représentation unique a eu lieu le 11 juillet au 11 Gilgamesh Belleville à 12h12… tout un concept, à l’image de cette proposition initiée par Martin Schick, François Gremaud, et Viviane Pavillon, qui a fait l’unanimité auprès du public.

L’idée de base de X Minutes est simple. À chaque nouvelle représentation, cinq minutes de spectacle sont ajoutées au précédent : la première représentation 5 minutes a duré 5 minutes, la deuxième 10 minutes a duré 10 minutes, etc. ce qui est somme toute assez simple mais encore fallait-il y penser. Ce 11 juillet c’est à 70 minutes que nous assistons avec donc 5 nouvelles minutes créées spécialement pour le Festival d’Avignon. En effet, une autre singularité de cette proposition est de se mettre au diapason avec le lieu d’accueil et l’acheteur. Chaque tranche de 5 minutes est d’une part jouée dans la langue de son lieu de création, et d’autre part l’acheteur devient protagoniste en donnant un objet qui est intégré au spectacle. Ici, le choix de la Directrice de la Sélection Suisse, Laurence Perez, s’est porté sur les trompettes d’Avignon qui annoncent le début des représentations.

X minutes est un objet théâtral à la forme tout autant audacieuse que jubilatoire. Au fil des tranches de 5 minutes, le spectateur est emmené en Belgique, France, Suisse, Croatie ou Italie. Chaque lieu réserve son lot de surprises, dialogues, chorégraphies ou situations qui sont déroulés avec une sacrée dose d’humour. Les artistes abordent très subtilement les codes de l’art et de la société. En lançant leur performance sur le « marché », ils deviennent les entrepreneurs de leur propre réussite tout en maitrisant les contraintes budgétaires : à partir de combien de minutes ce spectacle s’avèrera-t-il rentable ?, ou à quel montant doit-on le vendre pour qu’il ne soit pas considéré trop cher par un programmateur ?, par exemple.

Cette proposition interroge justement les limites du capitalisme dans le milieu artistique et dans celui du spectacle vivant dans une dimension politique. Tous les acteurs de ces milieux sont régulièrement contraints par leurs lignes budgétaires, ce qui est de l’ordre du « normal » mais il faut prêter une attention particulière au fait que les créations ne deviennent pas des marchandises prisent dans les flux économiques qui semblent aujourd’hui surpassés bien des règles.

En sortant de 70 minutes, nous pouvons dire avec fierté que nous avons assisté à une première (et dernière) mondiale et nous vous recommandons très fortement de devenir vous aussi propriétaires de ce spectacle (comme cela est indiqué en conclusion de la représentation). Et si vous n’êtes pas du côté des acheteurs, nous vous invitons à guetter de près les prochaines dates (voir ici, la X prochaine date). Dans quelques séquences, un geste artistique devrait révolutionner le théâtre, et nous sommes impatients de voir cela, à suivre !

Photographie à la Une ©  Petri Summanen.

Kristina D'Agostin

Rédactrice en chef de Carnet d'Art • Journaliste culturelle • Pour m'écrire : contact@carnetdart.com

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