la syrie des temps lointains.
Il était une fois une reine belle, cultivée, intelligente dont le royaume était une oasis prospère au coeur de la Syrie. Un conte ? Non, c’est de l’histoire, certes très ancienne, essayons donc de remonter le temps dans les magnifiques ruines du site archéologique de Palmyre avec ses temples, ses colonnades et ses statues.
Palmyre et sa reine défient les siècles.
Au départ une simple oasis portant pour nom Tadmor, elle devint la cité des palmiers, les grecs la nommèrent Palmyre et elle devint incontournable car exempte d’impôts et protectrice des caravanes. Tiens, cela me rappelle des situations bien actuelles…
Mais revenons à ces temps anciens, Palmyre sera intégrée à l’empire romain et connaîtra son apogée aux IIème et IIIème siècles après J.C. en tant que ville libre d’empire en 129 puis sera déclarée colonie romaine en 212. En 252, elle échappe à l’invasion des perses sassanides grâce à l’intervention d’un de ses chefs militaires, le prince Odenat, qui porte secours aux armées romaines défaites par les sassanides. Mais voilà que ce cher Odenat est assassiné ; c’est là que sa femme Zénobie entre en scène. Son fils, héritier, est trop jeune, c’est donc elle qui va prendre en main Palmyre.
Zénobie parle cinq langues, elle est visionnaire et fait de Palmyre le foyer culturel brillant du Proche Orient où artistes et philosophes s’installent. Sa tolérance religieuse est intellectuelle mais aussi politique, et elle s’entoure de conseillers tels que Longin, philosophe païen ou encore l’évêque chrétien d’Antioche, un peu dépravé, il parait. Dans les temples dont nous voyons les ruines, ont été honorées les divinités de toutes les nations.
les superbes ruines abriteront un souk
Dans ce monde d’hommes, notre belle Zénobie commande. Autoritaire et habile, elle proclame son fils Vaballath empereur de Rome et entreprend de soumettre à son autorité la Syrie, l’Égypte et l’Asie Mineure. C’est dire que c’est une femme hors du commun, qui n’a aucune limite. Elle s’est même inventé un lien de parenté lointain avec Cléopâtre et revendique également une filiation avec la dernière des Ptolémée, ceci afin de mieux légitimer son projet d’annexion de l’Égypte, qui était le grenier à blé de l’empire romain.
Toujours dans cet objectif, Zénobie prend le titre d’Augusta. C’est la forme féminine du titre d’Auguste qui est généralement donné aux épouses ou parentes des empereurs romains et byzantins. Mais voilà, le nouvel empereur nommé par Rome, l’énergique Aurélien, ne voit pas les choses de cet œil et décide de stopper l’avancée de cette femme intrépide qui est allée jusqu’à oser faire établir une monnaie à l’effigie de son fils et d’Aurélien afin de les associer.
En 274, l’empereur Aurélien fait de Zénobie une captive. Il défile dans Rome avec autruches, girafes et chameaux, mais c’est cette beauté aux yeux noirs qui retient l’attention du peuple. La fin du règne de Zénobie est chose sûre. Concernant la fin de sa vie les versions diffèrent, elle se serait suicidée, peut-être l’aurait-on même aidée, pour d’autres, elle se serait installée et mariée dans une ville près de Rome.
Le temps de Zénobie, c’est fini… Retour à la normalité.
Palmyre redevient pour un temps une cité de l’empire romain, elle transformera ses temples en églises sous les byzantins, redeviendra Tadmor et sera détruite en partie lors de la conquête arabe de 634. L’arc triomphal et ses colonnades dont nous pouvons voir les superbes ruines abriteront un souk. L’arrivée des Mongols en 1400 ne laissera que des ruines. Entre-temps sera construit par les arabes le château qui domine la ville à l’ouest, le Qalat Ibn Maan. À l’époque ottomane, Palmyre décline, ce n’est plus qu’un village enfermé dans l’enceinte fortifiée de l’ancien sanctuaire de Bel. Puis elle est découverte par des marchands anglais en 1691, et les descriptions de ses vestiges, enrichies de gravures saisissantes, sont publiées par Wood en 1753. Ainsi dès le XVIIème siècle, Palmyre devint célèbre en Europe qui fut sous le charme de son oasis, ses magnifiques ruines, et le désert tout autour.
Après la Première Guerre mondiale, la Syrie est occupée par les français dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations. Le Levant Français, zone aussi appelée État du Grand Liban inclut la Syrie et le Liban. L’armée française implante à Palmyre une unité de méharistes, qui tiennent leur nom de leur monture. Comme vous le savez peut-être, le méhari est un dromadaire de monte plus grand et plus fin que le dromadaire de bât. De robe blanche et svelte, il est imbattable à la course. Le dromadaire est très adapté à la chaleur, à la sécheresse et à la sous-alimentation. Il est également élevé pour son lait et sa viande et puis souvenez-vous, en 1968, d’un certain véhicule de plein air très léger de la marque Citroën, la Méhari !
Mais revenons au temps d’avant. L’armée construit un terrain d’aviation pour le contrôle aérien de la steppe. Les fouilles archéologiques sont organisées sur une grande échelle, le village qui occupait le sanctuaire de Bel est détruit et la population relogée dans une ville moderne construite au nord du site archéologique, tandis que le temple antique est restauré. Depuis l’indépendance de la Syrie, en 1946, la ville moderne de Tadmor s’est considérablement développée. Le terrain d’aviation est devenu une base militaire, mais le projet d’en faire un aéroport civil pour développer le tourisme n’a jamais été mené à bien. Il y a aussi une prison. Comme dans l’Antiquité, la ville vit de l’agriculture dans l’oasis, de l’élevage bédouin dans la steppe, tandis que les profits, autrefois tirés du grand commerce, sont remplacés par les revenus non négligeables du tourisme.
La Comtesse de Palmyre, une femme en avance sur son temps ?
En buvant le thé avec le vieux Ziad, après avoir marché dans la fraicheur bienvenue de l’oasis, il est aussi question d’une autre femme. Franzié kaman, entre arabe et quelques mots d’anglais, ce n’est pas très clair mais une chose est certaine, cette française a marqué les esprits ! Ma curiosité me pousse à faire des recherches et voilà son histoire, entre vérité et légende…
entre vérité et légende
Nous sommes dans les années 20, à l’époque du mandat français, et c’est en ces temps que la Comtesse Marga d’Andurain, va faire parler d’elle. Née Jeanne Amélie Marguerite Clérisse à Bayonne, elle sera renvoyée de bon nombre d’institutions religieuses chargées de son éducation entre cinq et quinze ans. Des Ursulines de Ondarribia, elle adoptera le nom donné par ses compagnes, Marga. À dix-huit ans, elle se marie avec Pierre d’Andurain, son aîné d’une douzaine d’années.
Après avoir voyagé en Espagne, en Algérie, Marga et son mari s’installent pendant deux ans en Argentine avec l’intention de faire fortune avec l’élevage de chevaux. C’est un échec et, après avoir vécu pauvrement, ils rentrent à Bayonne. Marga, qui pense que son mari est un incapable, prend les choses en main et décide d’aller installer un salon de beauté au Caire. Le couple d’aventuriers tombe sous le charme de l’Orient, le salon Mary Stuart est une réussite totale, la vie sociale et mondaine bat son plein.
Mais certains disent que Marga a été recrutée par les services secrets anglais et que sous couverture du salon elle est en fait agent secret au Caire ! Un peu plus tard, en compagnie d’un officier anglais, Marga fera le voyage qui va changer sa vie (en plus d’une liaison extraconjugale). La découverte de Palmyre, l’histoire de la fameuse Zénobie fascine la Comtesse et elle décide d’aller s’installer là-bas avec son mari et de construire une auberge. Les officiers français en poste à Palmyre n’ont pas apprécié.
Comme Zénobie, à qui elle s’identifie, Marga se moque des règles et des conventions, malmène les hommes, porte le pantalon, monte à dos de chameau, conduit une jeep, dirige et organise des soirées et des fêtes sulfureuses. Elle n’est pas raisonnable, mais honnête selon les sources. En tout cas, elle a une sacrée personnalité !
Divorcée de Pierre, son mari, qui continue à gérer l’auberge avec leur fils, elle se remarie avec l’un de ses serviteurs, un bédouin. Elle se convertit à l’Islam afin de pouvoir effectuer le pèlerinage à La Mecque, une folie qui la fera enfermer dans un harem, puis emprisonner. Sauvée de la lapidation par l’intervention du consul français, elle sera expulsée en France.
Retour au bout d’un an, remariage avec Pierre qui mourra bien vite et de bien curieuse façon, elle rentre en France avec son fils en 1937. On la retrouve à Paris pendant la guerre faisant du trafic d’opium avec les nazis puis sur la côte d’Azur accusée de la mort de son neveu. Faute de preuves, elle est relâchée. Marga est morte assassinée sur son voilier à Tanger en 1947. Elle partait acheter de l’or au Congo et avait cinquante-cinq ans. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Admirée par certains et calomniée par d’autres, celle qu’on a appelé la Comtesse de Palmyre, la Mata Hari du désert ou encore la Maîtresse de Lawrence d’Arabie n’a laissé personne indifférent. Ces qualificatifs donnent une idée de la fascination qu’a exercé cette femme qui se qualifiait d’un mot : aventurière.
Si vous visitez Palmyre aujourd’hui, et je vous le souhaite, on vous parlera d’elle. L’auberge Zénobia vous accueillera comme elle l’a fait en son temps pour Agatha Christie ou François Mitterrand. On vous parlera aussi de Zénobie et de Marga, ces deux femmes exceptionnelles font partie de l’histoire de ce coin de Syrie que j’ai essayé de vous faire partager.
Le temps d’avant, avant les exactions qui se déroulent dans ce pays. Aux dernières nouvelles, on nous indique que l’armée régulière est présente sur le site. Des vols, des pillages auraient lieu. Quelle sera la situation à la publication de cet article ? Inch’Allah…