Shirin Aliabadi

Miss Hybrid.

Shirin Aliabadi est née à Téhéran où elle a suivi des études d’Histoire de l’art et d’archéologie avant de se tourner vers le dessin puis la photographie, pratique qu’elle utilise pour explorer les modes et coutumes de la jeunesse de son pays natal. Avec Miss Hybrid (2008) à qui elle doit sa célébrité sur la scène artistique internationale, elle se présente comme porte-parole d’une génération entière de femmes iraniennes. À la manière de Cindy Sherman, elle métamorphose son physique pour fabriquer des portraits tissant cette génération de femmes et met ainsi en valeur la confrontation voire la perdition de leurs identités multiples.

Coiffée de perruques blondes dignes de Barbie, portant des lentilles leur faisant des yeux bleus clairs, parées d’objets consuméristes tels que sucettes, chewing-gum ou téléphones, ces jeunes femmes iraniennes sont visiblement influencées par les modes et paraîtres du monde occidental. Toutes portent un pansement sur le nez, signifiant une opération chirurgicale récente. Cette bande exhibée est la clef de l’ultime parure, les femmes s’en pavanant pour montrer cette transformation esthétique, forcément fruit d’une richesse matérielle.

Shirin Aliabadi, Miss Hybrid (série), 2008. Courtesy The Third Line, Dubaï.

Shirin Aliabadi, Miss Hybrid (série), 2008. Courtesy The Third Line, Dubaï.

Pourtant, cet apparat esthétique reste un déguisement, à la fois sur l’artiste elle-même mais aussi dans le quotidien, sur ces femmes, qui portent en plus des éléments de la vie moderne, des objets en rapport avec une société traditionnelle et conservatrice, comme le voile dont on connait l’obligation de port en Iran…

Avec cette série photographique, la femme se représente elle-même, dans sa multiplicité et ses ressentis en tant que groupe social opprimé dans la société iranienne. L’artiste endosse le rôle d’ambassadrice représentant des femmes de son pays, porte-parole d’une génération de personnages souvent caricaturés. Les modèles dont elle s’inspire sont réels, elle copie les femmes qu’elle croise à la sortie des salons de coiffure. Au-delà de son aspect visuel et superficiel, la mode se démultiplie et se transforme comme outil de revendication au quotidien. Exhiber les facettes modernistes liées à l’appréhension de l’Occident est une manière de prendre parti au sein de son dualisme avec un Orient dont l’aspect traditionnel et conservateur s’illustre à travers la République islamiste d’Iran.

Shirin Aliabadi, Miss Hybrid (série), 2008. Courtesy The Third Line, Dubaï.

Shirin Aliabadi, Miss Hybrid (série), 2008. Courtesy The Third Line, Dubaï.

Cette galerie de portraits parait faire un clin d’œil moqueur aux anciennes peintures orientalistes, ces représentations de la femme orientale, voluptueuse et séduisante dans les harems et les hammams, noyaux des stéréotypes et des fantasmes des occidentaux. Les iraniennes dorénavant représentées par leur pair tournent en ridicule ces images rêvées et véhiculées, en se tournant vers l’Amérique et le consumérisme à outrance. On n’étale non plus ses richesses par le biais de bijoux et de robes, mais en mettant en visibilité opérations chirurgicales et smartphones, derniers canons de coquetterie.

Photographie à la Une © Shirin Aliabadi, Miss Hybrid (série), 2008. Courtesy The Third Line, Dubaï.

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