Samuel Beckett

Et Dieu créa la Femme.

Samuel Beckett, Lettres III, (1957-1965), traduit. de l’anglais (Irlande) par Gérard Kahn. Édition de George Craig, Martha Dow Fehsenfeld, Dan Gunn et Lois More Overbeck, Collection Blanche, Gallimard, 812 pages, 2016.

Dans ce troisième volume de lettres la « crainte du noir pur. Du blanc pur. Du vide. Du silence » reste le grand paradoxe de celui jusqu’à la fin de son œuvre va demeurer fasciné par les images mais qui tente de traverser les écrans des décors, de réinventer la vue et de rameuter l’inconnu et qui au sein de ses lettres permets à un certain type de discours et de relations sociales de se poursuivre.

Pour Beckett, et en dehors de tous les abris, « l’objectif n’est pas tant de découvrir de nouvelles images qu’à jeter la mémoire au vif des destinées ». Et son art du refus n’est pas refus de l’art, mais il passe par tout un travail d’effraction de l’image. Agonisant en eux-mêmes, empêtrés dans leurs ruines, habités plus qu’ils s’habitent, ses personnages ne souhaitent pas plus être identifiés que s’identifier dans un goût de l’absence qui fait la délectation de leur créateur. Par là, Beckett revient sans doute à la souffrance et au traumatisme de la relation à la mère comme si jamais ne cessait le besoin compulsif de fouiller la plaie et d’écrire, sinon sur elle, du moins d’imaginer à partir d’elle dans cette certitude – la seule peut-être – de « n’être pas né comme il faut », selon la formule de « Tout ceux qui tombent ».

Néanmoins dans ce troisième corpus, Beckett semble partagé entre le besoin de répondre aux sollicitations au moment où plus que jamais le théâtre devient son lieu d’élection. Il y trouve un accomplissement intellectuel et affectif. Si bien que le personnage central de ces lettres est une femme : Barbara Bray – productrice, traductrice, critique qui rencontra Beckett en février 1958. Une nouvelle fois ou comme toujours et comme le dit un de ses ami (Jacques Kober) « Beckett est sauvé par les femmes ». Elles lui permettent de s’enfoncent dans des lieux insondables et nocturnes de son œuvre tout en permettant de naviguer à vue.

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